Après la guerre, dans les années 50-60, à Kerdavid, comme dans beaucoup de villages de Saint-Pierre, dans les fermes on trouvait des vaches, des cochons et des chevaux. On y exploitait la terre pour faire du maraîchage permettant de vendre les pommes de terre, les légumes et les oignons sur les marchés.
Après l’été, on procédait au « démouchage » des oignons. Il s’agit de l’opération consistant à enlever la partie haute et sèche, ainsi que les racines. Cela se faisait à la fin de l’été après l’arrachage des oignons.
Tous les gens du village se retrouvaient et à Kerdavid, ils avaient la chance d’avoir Mandine Le Roux, la grand-mère d’Evelyne, Jean Claude, Daniel, Dominique et Alain, qui racontait les contes et qui chantait pour toute l’assemblée.
Cela se faisait dans le garage de tante Anne, et quand le soir tombait et que le travail n’était pas terminé, Yves Le LAN arrivait avec sa moto et il éclairait le garage de son phare.
La maison de tante Anne était grande et haute, et on stockait le foin pour nourrir les bêtes dans le grenier et en plus il servait d’isolant pour l’hiver. C’était tellement haut qu’il fallait être trois pour rentrer le foin.
L’étable était proche de la maison, de l’autre côté de la rue. Le fumier était déposé dans la rue et ensuite avec la brouette, on l’emmenait sur le tas de fumier un peu plus à l’écart des habitations.
A côté de la grange il y avait un puits entre chez tante Anne et chez la mère d’Yves Le LAN, (Jeanne YARRIC-Le LAN) mais il a été bouché il y a bien longtemps.
A Kerdavid, c’était un village de » tantes « . Il y avait tante Anne, mais aussi tante Jeanne, tante Esther, tante Fine qui a eu 14 enfants dans sa petite maison et bien d’autres tantes encore.
A côté de chez Mandine (la conteuse) il y avait un fossé avec du cresson que l’on cueillait. Ce fossé se poursuivait jusqu’à la place du marché actuel, qui était régulièrement inondée. Un jour une voiture s’est embourbée, c’est le cheval qui l’a sortie de ce mauvais pas.
La famille PLUNIAN avait sa propre ferme dans le Kerdavid. Les familles se faisaient concurrence et ça bataillait dur les jours de marché à Auray pour avoir les plus beaux cochons. Les filles PLUNIAN étaient courageuses, leur père a été longtemps malade et il n’y avait pas de garçon, mais quatre filles.
Après le démouchage des oignons, on les mettait en sac afin d’aller les vendre dans le Finistère.
Alfred Le Quellec, le père partait tout seul en premier, à vélo. Il allait faire du porte à porte pour identifier les familles qui voulaient acheter des oignons, ensuite il revenait et établissait son circuit.
On y allait en charrette et il fallait partir tôt, de nuit, car la tournée durait environ un jour et demi. Il faisait sa tournée avec son fils Jean-Louis qui avait 13 ans à l’époque.
La vente ne se faisait pas contre de l’argent. Pas de pièces, ni de billets, rien que du troc.
On échangeait les oignons contre du blé que l’on trouvait peu sur la presqu’île. Quand les acheteurs étaient sympathiques, on repartait avec de la « gnôle », « lambig ou guchistr » en bretagne, que l’on pouvait revendre et éventuellement boire. Le fils, lui, ramenait des pommes.
Pour la « gnôle » il fallait faire attention, car le transport d’alcool était assimilé à de la contrebande et il ne fallait pas se faire prendre. On la cachait dans les sacs de blé.
Un jour ils ont été arrêtés par les douaniers qui ont procédé à une fouille complète de la charrette, mais ils n’ont rien trouvé, heureusement. Le blé servait à la nourriture des bêtes.
A la ferme de Kerdavid, on cultivait des pommes de terre mais aussi des choux-fleurs, des carottes et autres légumes de saison.
Jean-Louis de la ferme allait faire la tournée de maraîchage dans les villages de la presqu’île.
Il la terminait au « café du midi » à Port Haliguen chez François Le DIRAISON, si bien que les retardataires ou les absents lors du passage pouvaient toujours le retrouver au café.
Il ne faisait pas que vendre des légumes, il est allé à l’école. Chez les « sœurs noires » là où est actuellement la villa « Saint Joseph » (voir l’article de la villa où l’on évoque la création de cette école).
Il y a obtenu son certificat d’études puis a été au collège à Quiberon et au lycée à Auray, à Kerplouz (le lycée agricole). C’était un événement, il a été le premier et seul pensionnaire.
On cultivait également de l’orge sur la presqu’île. On la coupait avec une moissonneuse-lieuse qui la mettait en bottes puis on la chargeait sur les remorques. La batteuse venait de Saint Julien (de chez Le FLOCH) c’était la seule de la presqu’île, et on pouvait la louer. Lorsque les grains d’orge étaient mis en sacs, on les stockait chez KERVADEC (actuelle boutique « 8 à Huit »).
On conservait la viande dans des grands pots en grès munis d’un couvercle que l’on appelait des « charniers » Ces pots étaient ensuite remplis de sel permettant de conserver la viande, notamment le lard.
La vie dans les villages était rude, même dans les années 50, mais on savait pouvoir compter les uns sur les autres. L’image du presqu’îlien attaché à son caillou est un peu battue en brèche : quand il fallait vendre, on n’hésitait pas à se déplacer.
Jean Louis Le Quellec nous a malheureusement quitté en avril dernier, cet article lui rend hommage
3 Responses
Magnifique article super de faire revivre ce village de Ker David. Il n’y avait pas que des pêcheurs à Saint-Pierre. De mes souvenirs d enfance je garde aussi le corbillard attelé au cheval d’Alfred Le Quellec. J’apprends avec tristesse le décès de Jean Louis.
Tante Fine était ma belle-mère. Elle racontait souvent les « veillées » chez Tante Anne . Très bel article sur le »démouchage » des oignons.
Je me souviens très bien d ‘Alfred Le Quellec , il possédait un hangar agricole de l’autre coté de la « Nationale »,dans la ruelle qui était le prolongement de la rue de Kerdavid, traversait la « Nationale » et rejoignait la rue du Ouarh. Alfred autorisait les écoliers venant de Portivy a y déposer leurs vélos pour aller au collège public à Quiberon. L’arrêt des cars se situait en face du café de madame Guillemin. Les jours de pluie, Alfred mettait même avec sa bonté naturelle, nos vélos à l’abri sous le hangar, adossés aux bottes de foin. Le matin, lorsque nous arrivions devant l’arrêt des cars, il y avait deux sociétés de transports, pour ceux comme moi, allaient au collège public , c’était les cars « Le Bayon » . Les élèves de l’école privée qui allaient au collège Sainte Anne, également à Quiberon prenaient eux, les cars « Drouin », à l’époque, on ne mélangeait pas les torchons et les serviettes, ni même les autobus.
Lorsque nous attendions le « Car » pour aller perfectionner nos connaissances en anglais et autres matières, d’autres élèves bien plus âgés que nous, pénétraient chaque jour à la même heure, dans le café de madame Guillemin, pour sans doute perfectionner leurs connaissances en oenologie. D’ailleurs dans les villages de Saint-Pierre Quiberon, nombre d’établissements étaient réputés et fréquentés pour la qualité de leur enseignement dans la même discipline et les cours pouvaient se prolonger tard dans la nuit, même limités à quelques petits crus. Je garde un souvenir impérissable d’Alfred toujours vêtu de sa cotte à bretelles et de sa casquette.
Jean Pierre Le Duvéhat