Yvonne Le PENNEC est née à Keridenvel le 28 janvier 1927 (elle se marie avec Pierre OLLIVIER le 19 décembre 1955), mais elle va habiter à Kermahé deux mois après, « dans une maison à côté de la pompe » (derrière l’actuel restaurant « le Bigorneau ») .
Son frère René Le Pennec est né le 15 novembre 1936 à Kermahé, où ses parents travaillaient, il y est resté environ 5 ans.
Son père, Guignier Le PENNEC (né à Pluvigner le 9 février 1889) travaille chez le marchand de vin Le BIHAN, il livre avec sa charrette les petits bistrots des environs et sans doute des particuliers, son épouse Célina (Célina Mélanie LE ROUX née à Ploemel le 20 juin 1899), l’aide.
Le charretier transporte aussi du charbon pour l’usine de poisson (chez MANUEL, la conserverie la Bonne Bretonne, usine fermée en 1974), comme son père avant lui, du charbon venu d’Angleterre (plutôt le Pays de Galles) par bateaux.
Le couple a deux enfants : Louis et Yvonne, trois autres naissent à 3 ans d’intervalle, Guy, Paul et René, le dernier, le 15 novembre 1936. Guignier décède 6 mois après.
Célina travaille encore quelques temps à Kermahé ; Yvonne et René se souviennent d’une voisine, Madame MOISAN, que René appelait « maman MOISAN » Yvonne évoque aussi ses filles Mimi et Marguerite avec qui elle va jouer
Célina Le Pennec et ses enfants s’installent à Keridenvel
Vers 1939 Célina déménage pour Keridenvel où le couple a acheté une maison et où son père Jean-Marie Le ROUX ( né à Ploemel en 1865), habite sur la place.
Jean Marie Le ROUX est alors veuf, il aide sa fille en s’occupant des plus jeunes enfants, notamment de René, il cultive aussi les terrains des autres en échange d’une moitié de la récolte.
Célina est lavandière, elle nettoie le linge des autres dans les lavoirs des villages, au Douet Central (sur la route départementale, à côté de l’hôtel-restaurant « le Saint Pierre »), au lavoir du Praner (qui était derrière la Poste), ou bien dans les lavoirs des particuliers,
comme chez Sonia PADELLEC(Sonia, Marguerite, Germaine CAUCHIE, épouse PADELLEC vivait là où était il y a peu la pompe à essence) ; c’est un métier très dur surtout en hiver où l’eau des lavoirs est très froide voire gelée, le linge mouillé pèse lourd, celui de la boucherie Kervadec, taché de sang est difficile à nettoyer ; elle transporte le linge avec sa brouette, parfois loin, par exemple quand elle va l’étendre sur les champs des LE BIHAN ; en compensation il y a des petits plaisirs comme bavarder avec les autres lavandières, comme les dons de nourriture de chez KERVADEC ; plus tard elle utilise aussi des lessiveuses qui chauffent sur un feu et où l’eau chaude et savonneuse monte par un tuyau pour retomber sur le linge, raconte René.
Bien que fatiguée le soir, elle aide son père dans les champs ; quand la conserverie (la Bonne Bretonne) a besoin de main d’œuvre elle y travaille aussi, ce qui lui assurera une petite pension.
Au travail salarié dès 14 ans
Célina a du mal à nourrir sa famille, il n’y a pas encore de prestations familiales, les enfants doivent travailler tôt. Yvonne, après le certificat d’études, travaille dès 14 ans à la conserverie GOYEL à Quiberon, dirigée par Monsieur DENIS qui habitait la maison derrière chez KERVADEC.
Pendant la guerre l’occupant interdit la sortie des bateaux de pêche, les conserveries ferment faute d’approvisionnement.
Yvonne trouve du travail au Bégo (où se situe une des plus importante batteries du Mur de l’Atlantique, chargée de la défense de la rade de Lorient où la Marine allemande poste, entre autres, les fameux U-boats), avec quatre ou cinq autres femmes.
« on était payées par la Trésorerie de Carnac », elles sont chargées de faire les pluches et la vaisselle et n’ont pas le droit de circuler dans le reste des installations qui relèvent de l’armée, elles ont peu l’occasion de voir les soldats, dont elle n’a rien à dire.
Elle se rend au travail à pied ou par le train, qui s’arrête au passage à niveau au Bégo; parfois les soldats «russes» (en fait ukrainiens) les transportent dans les petits chariots que tirent leurs chevaux « on appelait ça des bailles à cochons », après au moment de la « poche » (une des zones de résistance de l’armée allemande après le débarquement, elle dure d’août 1944 au 10 mai 1945, date de reddition officielle), l’armée leur donne des vélos ; elle se souvient d’un jour où elle passe, avec une amie de longues heures dans le fossé, à hauteur de l’isthme parce que les FFI de Plouharnel tirent sur les silhouettes qu’ils ont vu bouger.
Il faut travailler, même pour un peu de nourriture
René à partir de 10-12 ans, va garder les vaches ou les moutons, pour Le QUELLEC (le père de Madame Kervadec, qui tient avec son mari une boucherie) son ami André LUCAS garde les bêtes du boucher BRUZAC, où la patronne est une fille KERZHERO (Marie-Thérèse KERZHERO, née le 27 février 1914, mariée le 12 juin 1933 à Joseph BRUZACH, décédée le 19 janvier 1997), juste pour gagner un repas.
Pendant la guerre ils arrivent à manger, grâce aux jardins, aux poules, se chauffent en allant ramasser du bois ; Yvonne se souvient que pendant la « poche » c’est un bateau « Notre Dame du Bon Secours » qui apporte le ravitaillement pour la presqu’île, ce qui a inspiré une chanson sur l’air de « Notre Dame de Lotivy » « Notre Dame du Bon Secours pendant votre court séjour demandez aux grâces surnaturelles d’ouvrir la porte du Bégo » .
Mais pour les enfants il y a toujours des jeux et des plaisirs
Cette vie rude n’est pas malheureuse, les enfants du village jouent ensemble, ils se retrouvent dans le hangar de Tintin ( Célestin) EVENO au centre du village, aujourd’hui démoli et remplacé par le parking, René se souvient de Monsieur PADELLEC de Portivy, le père d’Hubert, qui joue de l’accordéon. Yvonne et René racontent tous les deux le jeu de « quasimodo »( en référence à la Fête religieuse de Quasimodo, le dimanche après Pâques) c’est-à-dire se lancer des objets qui se cassent, œufs ou vieilles poteries, celui qui laisse tomber l’objet a un gage ; ils jouent à saute-mouton, à la marelle, à cache-cache, les filles ont des poupées ; les garçons testent aussi leur force en soulevant des objets lourds.
René raconte les passages du garde-champêtre, DREANO qui habite Kerbourgnec à l’opposé de l’abattoir (à l’emplacement actuel de la Société des Régates), allant de village en village dire les avis à la population, jouant du tambour avec son unique bras, pour rassembler les gens ; il détenait aussi la « roulette » (le tampon) pour certifier les bêtes abattues.
Les veillées
La vie sociale est importante, il y a les veillées où ils se retrouvent chez l’un ou l’autre ; Yvonne se souvient des veillées chez Mandine la conteuse (Armandine, Jeanne, Marie, Léontine LORCY née en 1899 à Ploemel, épouse de Jean Joseph LE ROUX né en 1897 à Ploemel, décédée à Saint Pierre Quiberon en 1987), à Kerdavid, dans son écurie face à la Boulangerie, son mari, un LE ROUX, est le frère de Célina ; Mandine raconte des histoires de fantômes ; René se souvient qu’elle chante et qu’elle a la langue bien pendue, un jour à l’Eglise le curé arrête la messe « quand Mandine aura fini de parler, je continuerai la messe » déclare-t-il.
Aux veillées, ils chantent, entre autres « le P’tit Quinquin », certaines tricotent, ils jouent aux cartes, ils bavardent. Les veillées entre voisins continuent jusqu’à l’arrivée de la télévision, bien après la guerre, on se réunit encore chez Tintin (Célestin) EVENO qui a le premier poste du village.
L’école primaire
Yvonne et René sont allés à l’école, même si la scolarité d’Yvonne est un peu perturbée par ses obligations de grande sœur, l’institutrice, Mademoiselle LECHAT, insiste pour qu’elle suive régulièrement l’école et elle obtient le certificat d’études, dont les épreuves se déroulent à Quiberon et comportent une dictée et un chant, selon ses souvenirs.
René se souvient « les gamins faisaient flotter des bouchons depuis l’école (ancienne école, rue Clémenceau, actuellement à disposition de diverses activités) dans le ruisseau qui passait sous la route nationale » « quand on allait au catéchisme on essayait de faire parler un perroquet dans une petite maison sur le chemin de la distillerie ».
Fête- Dieu et Pardons
Il y a des fêtes religieuses ; le pardon de Notre Dame de Lotivy attire une grande affluence, les gens d’Etel y viennent en car, il y a des manèges. Il y a la Fête Dieu avec « un reposoir à Port d’Orange, contre la maison Le BIHAN, à Kerbourgnec, à Kerdavid, à Keraude, on met des fleurs partout, sur la route et aux fenêtres, les gens tendent des draps autour du reposoir, les rues sont décorées de motifs faits avec des fleurs et du marc de café, le curé passe avec les communiants, les communiantes tiennent des corbeilles de pétales de roses » raconte Yvonne.
Et les fêtes profanes
Il y a aussi des distractions profanes, les battages qui donnent lieu, après le travail, à manger et à s’amuser ; il y a le cinéma, muet d’abord et sous une tente se souvient Yvonne ; puis dans une salle à Roz’Avel, chez LESCOUET dit Yvonne, « le père LESCOUET passe vendre des bonbons, une fois Loulou MARIAGE donne un coup de pied, tous les bonbons tombent, alors c’est la nuée de moineaux sur les bonbons » ; René lui se souvient d’avoir ramassé du cresson dans les ruisseaux, « comme le Ouarc’h » et de l’avoir vendu aux épiciers de la commune pour payer sa place de cinéma.