Kerniscop, Paris, Praner….récit de vie de Marcelle Kermorvant 

Extrait de l'article

Mme Marcelle KERMORVANT, Saint-Pierroise aux 96 printemps, nous a confié avec modestie et pudeur des bouts de sa vie passée.
Les pages de l’album familial de cette doyenne, dont la principale distraction fut le travail, nous livrent ses souvenirs d’écolière, de petite main dans les champs, d’employée de maison à Paris puis d’épouse et de mère au foyer à Keraud.

Participants à la rédaction de cet article

Propos recueillis par Gael LE BOURGES et Béatrice BARBE – le 28 Février 2023 – Rédaction de l’article par Béatrice BARBE

Copie des images et textes interdits sans l'autorisation de KER1856

« J’aimais bien l’école, ça m’évitait d’aller travailler aux champs ! »

Nous sommes reçus en cet après-midi de printemps par Elisabeth, fille de Mme Marcelle KERMORVANT, dans une jolie maison du début du siècle dernier. Le sol en carreaux de ciment aux angles adoucis et aux tons passés de l’entrée a vu passer de nombreux témoins de la vie de cette famille Saint-Pierroise.

Madame Marcelle KERMORVANT, 96 ans, nous attend, posée, assise à la table de la salle à manger, les bras croisés devant une assiette de biscuits. Sur le mur derrière elle, un grand tableau de scène forestière nous invite à gambader loin des rivages habituels de notre ville côtière. C’est dans la forêt de souvenirs encore bien vivaces de notre souriante nonagénaire que nous allons plonger…

Marcelle est née le 05 Avril 1926. « C’est une fille d’Avril » comme chante Laurent Voulzy. Un bébé du Printemps. Elle a l’œil rieur et une voix claire et chaleureuse. Un beau tempérament qui mena Marcelle sur le chemin du travail toute sa vie.

« Je suis née à Quiberon » nous précise-t-elle très fière (nous mesurons, amusés, le côté exceptionnel de l’info), car en ce temps-là, et jusqu‘en 40, les femmes n’allaient pas à la maternité sauf en cas de complications et encore on appelait le médecin d’abord !  Marcelle est donc née dans le village de KERNISCOP, chez ses parents. C’est le second enfant de la famille. Une sœur ainée, Marguerite, la précèdera 2 ans plus tôt, puis suivront Madeleine et Jeanine.

Les grands parents maternels de Marcelle habitaient KERNISCOP. Pendant la guerre ses parents (Marie GUHEL et Eugène BARDOUL) y ont également habité. Ils travaillaient dans les champs, à faire les patates, entre autres. Marcelle, enfant, « donnait des coups de main régulièrement à planter les pommes de terre. On n’avait pas le choix, dit-elle, c’était la corvée, surtout les jours où il n’y avait pas école, mais ma grand-mère Elisa me disait : si tu veux aller au Pardon ma petite fille, (celui de Notre Dame de LOTIVY), et profiter des manèges des forains, il faut aider ! » Marcelle se souvient que sa grand-mère lui montrait comment faire pour les arracher… Heureusement, les jeux entre gamins du quartier venaient égayer les corvées ménagères et la petite Marcelle jouait parfois avec les enfants des familles RIO et CAMENEN qui gardaient les vaches de leurs fermes sur la falaise.

D’ailleurs, se rappelle t-elle, une fois, trop occupée à jouer, la vigilance en culottes courtes n’a pas été optimum et une vache de la ferme RIO échappa à la surveillance des bambins aux galoches de bois. Elle chutât et on ne la retrouva, qu’échouée, en bas de la falaise. Un petit fait divers de l’époque dont elle se souvient tant la remontrance a dû être conséquente. Perdre du bétail à l’époque avait des conséquences sur l’économie des familles.

Lavoir de Kerniscop

Marcelle aidait souvent sa mère à pousser la « bérouette » comme elle dit en riant, de linge pour le rinçage au lavoir. 

« On allait laver le linge aux 2 lavoirs de la Côte Sauvage, mais le plus près de chez nous était celui de KERNISCOP. Les lessives duraient plusieurs journées. Nous, (les enfants) aidions à mouiller, parfois à brosser le linge, mais le rinçage, c’était maman qui s’en occupait et nous repartions jouer dans la lande pendant ce temps-là. 

La côte était un formidable terrain de jeux pour les gosses. Il y avait un chemin pour glisser directement du haut de la falaise jusqu’aux creux des rochers. On ne se baignait pas, on préférait s’éclabousser et s’inventer des mondes les pieds dans l’eau…»  L’autre lavoir,  pour KERAUD, était celui de POUL PERNEAU. 

 

Marcelle nous raconte qu’elle et ses sœurs allaient à l’école libre de QUIBERON, par les chemins et la route du Château d’eau. L’école a toujours été un bon souvenir pour Marcelle, « quand on allait à l’école, cela voulait dire qu’on ne travaillait pas aux champs ! » Les gamins se retrouvaient chaque jour sur le chemin des classes et parfois des bagarres éclataient pour un oui ou un non à coup de manche à balais. Marcelle se rappelle même avoir cassé une dent à une petite fille, une fois, en défendant sa sœur. Sacré tempérament mademoiselle Marcelle !

 « Au réfectoire de l’école Sainte Anne de Quiberon, il y avait 2 menus » nous précise-t-elle, « ceux qui payaient avaient droit au repas complet, ceux qui ne pouvaient pas, avaient juste droit à un bol de soupe, il fallait apporter son quignon de pain. » En été, je mangeais du pain et du beurre et parfois un fruit… »

La sœur ainée de Marcelle restait à la maison « pour faire à manger », un souci à la hanche l’empêchait de gambader comme les autres enfants dans les champs.

« J’aimais bien les messes basses, cela permettait de me réveiller doucement… »

A ses 18 ans, Marguerite, la sœur de Marcelle est partie travailler comme bonne dans une famille parisienne, les CHAVIGNY, qui avaient également une maison de vacances à KERAUD.

« 2 ans après, à la fin de la guerre, à ma majorité, ce fut mon tour , confie Marcelle. J’ai pris la suite dans une maison bourgeoise, chez des amis des patrons de ma sœur. C’était la famille PORTEUX DE LA MORANDIERE. Souvent les patrons se connaissaient et le recrutement des bonnes se faisait de bouche à oreille, cela rassurait tout le monde, employeurs et employées. Mes patrons étaient très sympas, j’ai toujours été bien considérée, nous raconte Marcelle. Je me suis adaptée à la vie de Paris, très vite, ma sœur me servait de guide et d’exemple. On se voyait tous les dimanche, soit très tôt  le matin, à 8 heures pour la messe silencieuse, dite messe basse, ou après 16 heures pour boire le café après notre service. Je me déplaçais à pied à Paris, jamais en Tramway. Je m’occupais du ménage, de la cuisine et des 2 enfants de la famille. Ma chambre de bonne était dans l’appartement des patrons, c’était plus facile pour entendre les enfants s’ils se mettaient à pleurer. Je lavais le petit linge à domicile mais les grosses lessives étaient assurées par la blanchisserie. »

Marcelle nous raconte, ensuite, avoir été bonne chez d’autres patrons à Saint Germain en Laye, (les CREPY), qui, eux aussi, avaient un pied à terre de vacances à Saint Pierre Quiberon. « Chez ces nouveaux patrons, j’habitais dans un immeuble, au dernier étage, ou d’autres bonnes, toutes bretonnes , cohabitaient…, se rappelle Marcelle, et avec les autres bonnes, le dimanche nous aimions aller à la messe du Sacré Cœur. Je préférais nettement Montmartre, car là au moins les bancs de messe étaient gratuits, ce n’était pas comme à Notre Dame, où il fallait payer pour s’assoir et écouter l’office. »

Marcelle nous raconte qu’elle ne revenait qu’une seule fois par an en Bretagne, au mois d’août, quand ses patrons lui donnaient congés. « Je prenais le train depuis Paris jusqu’à Saint Pierre Quiberon, précise Marcelle, c’était long, plus de 8 heures de voyage ! Se couper de la vie parisienne pendant l’été était très chouette, je me reposais et allais à la plage » dit-elle.

« J’ai aussi un peu voyagé grâce à « mes familles parisiennes » nous confie notre hôtesse : Le Pays Basque, les Pyrénées, Biarritz et surtout Lourdes, puis, plus tard, avec le patronage nous partions régulièrement faire des visites en car ! »

Adolescente, elle avait aussi travaillé à la Taverne (maintenant « le petit hôtel du grand large » ), sur le port de PORTIVY, chez CORITON.

Retour à KERAUD…

Les parents de Marcelle, après KERNISCOP, ont été locataires à KERGROIX « car il fallait se rapprocher du lieu de travail de mon père, nous raconte Marcelle. Il travaillait « aux camps », il nettoyait les camions et du matériel militaire. Ensuite, nous nous sommes implantés à KERAUD, derrière la maison des sœurs, qui fut vraiment la maison familiale.»

Le mariage de Marcelle et Robert en 1956

Au cours d’un bel été 1956, Marcelle fait la connaissance d’un jeune homme : Robert KERMORVANT

« Nos mères se connaissaient, mais nous nous connaissions depuis toujours. Il était Saint-Pierrois et nous nous fréquentions déjà au Patronage Catholique, parce que tous les jeunes gens à cette époque se retrouvaient à la salle paroissiale pour discuter ou jouer. » Un an d’écart n’arrêtera pas Robert qui invitera Marcelle un jour à aller au cinéma après la messe du dimanche. « Je ne me rappelle plus du film, nous confie Marcelle en riant, mais quand je suis rentrée à Paris à la fin de l’été pour reprendre mon travail, notre relation a continué et nous nous sommes écrit pendant un an, le temps de mieux se connaitre. Robert, à l’époque, travaillait dans l’agriculture puis en tant que maçon chez ZONORZA. Nous nous sommes mariés en septembre 1958. J ‘avais 33 ans », dit-elle.

Une photo de mariage en noir et blanc nous dévoile une jolie mariée en tailleur chic et sobre et un marié ému et solennel.

Classiquement, « Nous sommes allés à la mairie puis à l’église. Le vin d’honneur et le repas se sont déroulés à « La Boule d’Or » à Saint Anne d’Auray », un restaurant où les noces s’embarquaient de coutume en cars pour célébrer les époux.

Marcelle ne repartira pas à Paris, bien que ses patrons aient insisté pour la convaincre de reprendre son travail, elle restera vivre au PRANER avec son époux dans cette maison du début du siècle (1910) qui accueillera bientôt, en 1959, leur première fille, Elisabeth. Ce prénom fut choisi en hommage à la mémé Elisa LE PEN. Puis leur seconde petite fille, Geneviève, pointât son nez en 1963. Les filles sont nées à la maternité d’Auray. Mais on savait que Mme ERDEVEN, la sage-femme qui se déplaçait en vélo sur toute la Presqu‘Ile pouvait intervenir à tout moment.

Une autre vie commence pour Marcelle, celle de mère au foyer. « Travailler chez les autres ou chez soi en s’occupant de ses enfants, ce n’est pas la même chose », nous dit Marcelle. « Mes parents ont toujours, tout le temps travaillé »  nous confie Elisabeth.

Camping du Petit Rohu - Robert -1967

Robert KERMORVANT, son époux, occupera plusieurs postes : il fut régisseur saisonnier du camping de Penthièvre, puis de Kerhostin et enfin du Rohu. Il devint employé municipal et c’est lui qui ouvrait (à 7 heures) et fermait (à 17 heures) chaque jour le cimetière de Saint Pierre Quiberon. Autant Marcelle a toujours été une épouse discrète et réservée, autant Robert était avenant, très à l’écoute de tout le monde et toujours arrangeant dans le village. Tout le monde connaissait Robert ! II a toujours été très impliqué dans la vie de la commune : au club de théâtre, à la chorale, au patronage, et portait la croix lors de la procession de la fête Dieu. « La vie (pourtant bien remplie) a été douce et tranquille… », nous confie Marcelle en guise de bilan.

Dès que les enfants furent un peu plus grands, Marcelle reprit ponctuellement le travail, en devenant cuisinière et ménagère à la Villa KERMARIE. Elle se rappelle avoir été en renfort pour aider la bonne quand, l’été, la maison se remplissait de nombreux invités. Elisabeth, qui accompagne sa mère dans notre entretien, se rappelle l’ordonnancement de toute la villa KERMARIE, l’atelier, la grande chambre de Madame avec sa baignoire, le grand parc où se déroulaient des diners improvisés d’envergure !

KERMARIE - Emilie-Antoinette KERMORVANT
KERMARIE à droite la mère de Robert KERMORVANT

Toinon, (Emilie Antoinette, la grand-mère d’Elisabeth) a même été employée à la villa KERMARIE en tant que cuisinière et femme de ménage. Une photo d’époque illustre leurs propos.

Les emplois se succèdent : Marcelle, travaillera à la Patelle, ce petit commerce où l’on trouvait de tout, articles de plage, livres, accastillage puis elle s’occupera de l’intendance de maisons secondaires au ROHU.

Marcelle ne semble pas nostalgique de cette période, son rire est spontané et presque enfantin quand on regarde ensemble les photos de cette époque. On dirait que Marcelle continue d’avancer dans la vie en accueillant les choses naturellement… Elle se souvient avec bonheur de ces années et reste très touchée que les familles de certains de ses anciens patrons (les CHAVIGNY par exemple) viennent encore la saluer et lui présenter la nouvelle génération. Marcelle retrouve, à ces instants, son rôle de nounou en cajolant les petits tracas de ses visiteurs. Heureux soient ils, comme nous, d’avoir rencontré cette charmante et pétillante Saint-Pierroise.

                                                                                         FIN

Compléments de photos 

Photos de jeunesse 

Marcelle Kermorvant
Robert Kermorvant

Photos des maisons des parents de Marcelle Kermorvant 

Maison de famille de Kerniscop
Maison de famille de Keraud

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