Ceux qui en ont gardé le souvenir sont sans doute peu nombreux, pendant un peu moins de 20 ans au début du 20° siècle on a pratiqué la culture, la cueillette et le séchage des simples, c’est-à-dire des plantes médicinales à Kerhostin.
Si de nos jours on s’y intéresse de nouveau et si l’on en utilise volontiers, on oublie parfois que jadis elles tenaient une place importante dans la pharmacopée officielle, lorsque les molécules de synthèse n’existaient pas encore ni l’industrie pharmaceutique. Les pharmaciens fabriquaient alors eux-mêmes une partie des médicaments et l’on avait encore beaucoup recours aux plantes, remèdes « de grand-mère » pour se soigner au quotidien.
Mais pourquoi ces cultures à Kerhostin ? Simplement parce qu’un jeune pharmacien vannetais, Léon Barbedienne, né à Lamballe en 1870, fit construire en 1908 pour sa famille une maison de vacances, « Bon Repos », dans le village de Kerhostin où un de ses amis avait une « villa ».
Léon Barbedienne s’intéressait vivement aux plantes médicinales et loua des champs dans le village, alors beaucoup moins bâti qu’actuellement, pour y cultiver des simples, qu’il utilisait vraisemblablement pour ses préparations pharmaceutiques.
Lors de la Première Guerre mondiale il fut mobilisé comme médecin militaire, mit sa pharmacie en gérance et installa sa femme Alice et ses cinq enfants dans la maison de Kerhostin ; l’histoire ne dit pas si les cultures de plantes ont perduré pendant la guerre, qui sait.
Après la guerre, le gouvernement encourage vivement la culture de plantes médicinales, tant pour la pharmacopée que pour la distillation ou la parfumerie ; en effet avant- guerre la France en importait beaucoup, notamment d’Allemagne, et il faut gagner une indépendance sur ce terrain.
Léon Barbedienne y voit une magnifique occasion de mettre ses idées en pratique ; il crée avec un horticulteur de Vannes, Monsieur Petit, et deux autres partenaires une société industrielle « La Flore Bretonne ». La société bâtit un séchoir et une distillerie à Trussac (un quartier de Vannes), elle acquiert ou loue des terrains à Trussac, sur la route de Conleau, à Sainte Anne d’Auray et bien sûr à Kerhostin.
La Flore Bretonne cultive un large éventail de simples : camomille, bourrache, coquelicot, rose trémière, guimauve, molène, menthe, mélisse, marjolaine, mauve, pavot, souci, hysope, bouillon blanc, armoise, menthe, sauge et rose de Provins ; les amateurs de plantes et de remèdes naturels les reconnaitront sans peine.
La saison venue la cueillette incombe souvent aux enfants en vacances ou aux femmes pour gagner quelques piécettes. A Kerhostin, les ouvrières de la conserverie de Portivy s’y consacrent volontiers lorsque le poisson ne réclame pas leur travail.
Après la cueillette les fleurs étaient disposées sur des clayettes dans le séchoir et séchaient à la chaleur douce d’un feu de tourbe, Léon Barbedienne avait aussi des tourbières. Accessoirement des clayettes pouvaient être installées dans le grenier, par exemple celui de la villa « Bon Repos » où les enfants avaient mission de les « brasser » avant d’aller à la plage.
Enfin les fleurs étaient distillées pour la fabrication de sirops, élixirs, teintures, parfums ou savons. La proximité des plages permettait également à notre pharmacien de faire ramasser des « os » de seiches qui une fois pilés entraient dans la composition de produits de parfumerie.
La Flore Bretonne obtint des récompenses au concours agricole de Vannes en 1925 et au 4° Congrès International des Plantes de Paris en 1931.
En raison sans doute d’une évolution sensible des fabrications pharmaceutiques, ou pour d’autres causes, par exemple la concurrence d’autres producteurs, la société de la « Flore Bretonne » cessa ses activités et fut dissoute en 1939.
Léon Barbedienne vendit sa pharmacie en 1948 , pour prendre une retraite bien gagnée, en partie dans sa maison de Kerhostin.
D’après un article paru dans la revue « Les amis de Vannes » n° 34 de 2009, basé largement sur les souvenirs de Gilberte RECH, épouse FRUGIER, petite fille de Léon BARBEDIENNE .
Une réponse
Merci pour cet intéressant article sur la culture des « simples » à Kerhostin que j’ignorais. Ma mère Gabrielle Le Port, née à Kerhostin en 1909, m’en avait jamais parlé.