Portrait (ci dessus) d’Elodie La Villette réalisé en 1875 par Charles -Théophile Demory (1833-1895) – Huile sur toile 136 x 94 cm
En 1838 Pierre-Victor Jacquier, médecin de l’armée de terre (1799-1881) se marie avec Marie, Louise Le Nézet de Port-Louis. Le couple aura quatre enfants dont deux seulement vécurent ; deux filles, deux peintres.
Le 12 avril 1842 Louise, Madeleine, Élodie, Jacquier voit le jour à Strasbourg, mais ses attaches familiales sont et seront toujours en Bretagne à Lorient.
Les parents d’Élodie avaient une vie occupée par la musique et la peinture ainsi ils donnèrent à leur fille la possibilité de suivre une formation artistique, fait rare pour une jeune fille de cette époque. Élodie s’intéresse d’abord à la peinture, adolescente elle suit les cours de dessin d’un professeur, directeur du musée des beaux-arts de Lorient : Ernest Corroller[a].
[a] (1822-1893) Directeur du musée des beaux-arts de Lorient
Le 12 décembre 1860 à Lorient Élodie Jacquier se marie avec Jules La Rousse -La Villette (né en 1834 dans l’Aube), alors lieutenant au bataillon d’apprentis fusiliers de Lorient.
La situation de son époux, officier d’infanterie, l’amènera à déménager fréquemment, ce qui lui permettra des rencontres utiles à sa formation et à sa carrière, sous l’œil admiratif de son époux. Élodie Jacquier devenue Élodie La Villette suit le parcours classique d’un peintre professionnel, jalonné de récompenses. Où qu’elle se trouve, son sujet favori reste la « marine » souvent exécutée sur de grands formats destinés au Salon, parfois aussi sur de petits formats où la peinture est plus libre et spontanée, rappelant les couchers de soleil normands de Delacroix.
En 1865 naissance de Marie, Marguerite, « Rita » fille unique du couple La Villette (future Rita Strohl, compositrice).
Jules La Villette est prisonnier en Allemagne durant cinq mois en 1870, il apprend le violoncelle.
Élodie expose pour la première fois à Paris des paysages lorientais au salon des « Artistes Français »[b]. Elle y exposera de 1870 à 1914. Elle sera hors concours à partir de 1875 et elle en deviendra sociétaire en 1902.
[b] Ce Salon est un événement parisien organisé par des artistes, pour des artistes.
En 1872, Élodie habite Arras où elle suit les cours de Désiré Dubois[1]
Elle rencontre Jean-Baptiste Corot en 1874.
En 1875, Élodie habite Douai. Sur sa demande, Charles Demory [2] réalise son portrait. Elle reçoit une médaille de 3ème classe au « Salon de Paris ».
Jules La Villette est nommé chef de bataillon à Lorient en 1876. La même année, le tableau d’ Elodie « Grève du Lohic et l’île des Souris près de Lorient » est acquis par l’Etat pour le musée du Luxembourg [3] . Elle expose ses œuvres non seulement à Paris, mais également en province et à l’étranger.
En 1878 Jules La Villette devient commandant des forts de la ceinture de Paris.
Élodie participe à la création de « l’Union des femmes-peintres et sculpteurs » , elle en sera vice-présidente sous la présidence d’Hélène Bertaux [4] en 1881. L’UFPS a lutté pour les droits des femmes artistes et a créé un salon annuel réputé dès 1882 auquel les 2 sœurs ont participé de 1882 à 1916.
Le musée de Morlaix lui achète un tableau en 1886.
- Artiste peintre paysagiste (1817-1889)
- Artiste peintre, paysagiste et portraitiste, il devient ensuite professeur à l’École académique d’Arras (1833-1895)
- Aujourd’hui au musée d’Orsay
- Sculptrice (1925-1909
Le couple jette son dévolu sur le petit port de Portivy en Saint-Pierre Quiberon et y font l’acquisition d’une maison – Ker Jul qui deviendra Ker Saint Pierre – sur le port même en 1887. Dans cette maison, Élodie installe son atelier dans un appentis en bois. Devant la maison et l’atelier, un jardinet plein de roses et d’hortensias bleus. La famille possédait bien à Lorient, rue de l’Amiral Courbet, un logis empli de beaux meubles et d’objets d’art, mais ils n’y séjournaient guère que quelques jours par an, à l’époque du nouvel An.
Ils lui préféraient leur maison de Portivy peu confortable et modestement meublée.
Les visiteurs à la belle saison défilent : des écrivains comme Romain Rolland, Charles Vildrac, des musiciens mais surtout des peintres, en particulier Alcide Le Beau, cousin d’Élodie, Léon Bellemont, Maxime Maufra qui fera le portrait de Jules et surtout Henry Moret qui a travaillé lui aussi chez Ernest Corroller.
Élodie aura sous ses yeux constamment la mer qu’elle peint inlassablement par tous les temps, suivie par une jeune fille du pays Marie Lescoët [c] qui porte son chevalet et sa palette.
L’atelier d’Élodie attenant à la maison est inconfortable, froid en hiver chaud en été, encombré de tableaux ; pour s’asseoir il faut déranger les sept chats baptisés du nom des sept péchés capitaux. Élodie peint tout le temps et sur n’importe quoi, sur les murs de la maison, sur une boîte à ouvrage…
[c] (1886- 1976) quitte le service de la famille La VILLETTE à son mariage en 1912.
En 1889, Élodie est récompensée par une médaille de bronze à l’Exposition universelle de Paris. Elle fut également médaillée à Sydney et Melbourne, car elle a beaucoup exposé à l’étranger, à Londres, à Barcelone, Munich, Copenhague, en Hollande et en Belgique.
Le lieutenant-colonel Jules La Villette prend sa retraite en 1892.
En 1893 un grand concert est donné par Rita Strohl à Lorient au profit de l’œuvre de charité maternelle. Le musée de Lorient achète un tableau d’Elodie.
Elodie fait partie de la délégation des artistes françaises présentées à l’Exposition universelle de 1893 à Chicago, dans le Women’s Building. L’UFPS (Union des femmes-peintres et sculpteurs) a participé à la création du pavillon des femmes à Chicago.
Élodie exposera au Salon de la Société des amis des arts de Nancy de 1893 à 1910.
En 1897, l’Ecole des Beaux-Arts est enfin ouverte aux femmes ; jusqu’à lors elles n’avaient pas accès à la formation officielle. Être femme-peintre n’était pas facile.
Léon Bellemont [d] réalise le portrait d’Élodie en 1913.
En 1916 , Élodie est à Bièvre chez sa fille Rita Strohl.
Élodie meurt à Portivy en 1917. Après ses obsèques, son mari quittera Portivy pour aller vivre chez sa fille à Bièvre et déclarera « Ma femme a été belle, mais elle a eu quelque chose de supérieur à la beauté, c’est la bonté ». Jules était fier de sa femme, aux passants sur le port de Portivy il disait toujours : « Venez voir les tableaux de ma femme ».
Jules La Villette décède en 1921 à Bièvre au domicile de sa fille.
[d] Peintre de marines (1866-1961)l
Légende ou réalité ? Élodie ne signait pas ses tableaux c’était Jules, son mari qui signait mais uniquement lorsqu’il était satisfait de l’œuvre !
Par tous les temps, Élodie se baignait quotidiennement. Elle sidérait quiconque avait le privilège d’y assister. Elle sortait de sa maison, revêtue d’un costume de bain à la mode de 1875, traversait le quai, descendait vers le port et plongeait sans hésiter dans les flots glacials. Rien ne l’arrêtait, pas même les grandes marées basses, alors que la mer se retire. L’intrépide baigneuse pataugeait dans les trous d’eau, contournait les rochers épars, trébuchait sur les cailloux, glissait sur les amas d’algues gluantes et s’éloignait, zigzagante et tenace, à la recherche des flots lointains …
Le colonel debout sur le quai, pointait sa canne vers l’îlot sablonneux qu’on apercevait à l’horizon, et criait aux spectateurs effarés :
« Venez-voir ! Venez-voir, madame La Villette qui va prendre son bain à Téviec ! ». Témoignage de L. Josse
Ses œuvres sont présentes dans les musées de Dunkerque, Lorient, Morlaix, Paris (Louvre), Périgueux, Laval, Lille, Quimper, Chicago.
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Extrait de la présentation de l’exposition (par Marie-Catherine Puget )
C’est en 1887 que les deux sœurs, nées Jacquier, acquièrent, avec leurs maris Jules La Villette et Charles Espinet, deux maisons mitoyennes sur le port de Portivy.
Les deux sœurs ont respectivement 46 et 44 ans lorsqu’elles commencent à peindre sur la presqu’île. Les 37 tableaux réunis dans cette exposition, provenant presque exclusivement de collection privées, sont donc des œuvres de la maturité qui témoignent de l’évolution de la peinture de ces deux femmes.
Élodie La Villette connaît un beau parcours, exposant beaucoup partout en France et à l’étranger, notamment au Salon à Paris de 1870 à 1914. Elle est particulièrement appréciée pour ses grandes toiles descriptives, marines d’un style assez académique dont elle se libère peu à peu pour des formats plus petits où le paysage devient plus vivant, laissant la part belle à la lumière. C’est cette peinture qui domine lorsqu’elle s’installe dans sa maison de Portivy.
Quelques tableaux d’Elodie de la Villette exposés à la médiathèque de Saint-Pierre Quiberon
Petits tableaux représentant Saint-Pierre Quiberon
Marie Catherine Puget nous commente l’exposition: » Ces tableaux représentent une grande richesse de patrimoine, le témoignage de la vie à Saint-Pierre à la fin du 19ème s.
» Sur ce tableau on voit la vie du port avec les enfants, les bateaux qui arrivent et les voiles rouges qui sèchent. On ressent beaucoup de douceur et un très bel équilibre des tons chauds et des tons froids. «
» Ici sur la plage du Fozo on voit une femme (avec une coiffe), assise entrain de tricoter, au premier plan on remarque sa pêche du jour recouverte d’algues. »
» Le village de Renaron est un petit bijou au point de vue du témoignage. Sur les photos, on avait rarement des paysages et évidemment pas la couleur. «
» Toujours le goût de la miniature d’Elodie, avec au devant de cette scène une mère et un enfant ; au centre on a visiblement des femmes avec des râteaux puis des hommes qui ont l’air de faire les foins. Au loin le train qui quitte la presqu’île. «
» La petite Bretonne qui est peinte est Marie Lescouët, la petite jeune fille qui a accompagné Élodie de ses 14 ans à ses 26 ans. «
» La plage de Port Rhu. Les activités de plages étaient bien différentes. «
Exposition à Lorient en 1994
Exposition à Morlaix en 2014 : Lien sur le site du musée de Morlaix pour télécharger le dossier de l’exposition
Autres sources d’informations