En 1838 Pierre-Victor Jacquier, médecin de l’armée de terre (1799-1881) se marie avec Marie, Louise Le Nézet de Port-Louis. Le couple aura quatre enfants dont deux seulement vécurent ; deux filles, deux peintres.
Le 29 mars 1844, naissance de Victorine, Caroline Jacquier à Lyon.
Comme les parents de Caroline avaient une sensibilité pour la musique et la peinture ainsi ils donnèrent à leur fille la possibilité de suivre une formation artistique fait rare pour une jeune fille de cette époque. Caroline étudiera le piano et le dessin où elle excelle. Au cours des années 1860, Caroline Jacquier, étudie au lycée de Lorient et prend des cours de dessin avec le peintre Ernest Corroller [1] . Ce dernier marquera de son influence sa carrière (ainsi que celle de sa sœur) : les deux femmes deviendront artistes-peintres.
[1] (1822-1893) Directeur du musée des beaux-arts de Lorient
Le 20 avril1868, à l’âge de 24 ans Caroline épouse un médecin de marine Paul Durand dont la mort subite à Lorient le 7 décembre 1869 peu de temps après leur union va la laisser brisée.
Veuve Caroline déclare : « Je pleure mon mari chaque jour ».
Cinq ans plus tard un lieutenant de vaisseau Charles Espinet entrant dans un salon où parlait Caroline, qui avait des idées philosophiques mais surtout sociales bien arrêtées et n’avait pas peur de les exposer, a été tout d’abord charmé par ses propos : « Si cette femme est libre, je l’épouse » Il mettra quelques années avant de la demander en mariage.
Le 9 juillet 1873 à Lorient, Caroline finira quand même par dire oui à Charles, celui-ci sera toujours émerveillé par la peinture de sa femme qui aura toute sa vie un admirateur discret mais fervent.
Durant l’année 1877 Caroline voyage en Afrique du Nord elle réalisera plusieurs toiles qui se feront remarquer.
Elle se montrera très intéressée par les activités des gens de mer et réalisera des œuvres sur la Côte sauvage, dans la région de Port-Louis et de Lorient.
Charles Espinet est nommé capitaine de frégate en 1879.
De 1975 à 1882 Caroline exposera au « Salon des Artistes Français ». Caroline comme Élodie expose à « l’Union des femmes peintres et sculpteurs ».
En 1887 Caroline expose une dernière fois au « Salon des Artistes français ».Sa nièce Rita, fille d’Élodie épouse Émile Strohl enseigne de vaisseau ce qui aura une conséquence sur la vie de Caroline. Les Espinet n’auront jamais d’enfant pourtant ils ont l’âme de parents aussi ils accueillent dans leur famille une nièce de Charles.
En 1890 achat par la municipalité de Lorient de deux tableaux de Caroline.
Caroline commence à exposer au « Salon des Indépendants » en 1892.
1895 – La famille Espinet prend en charge deux petites-nièces de Caroline, filles de Rita Strohl qui est partagée entre sa musique et sa famille et qui gère difficilement les deux. Elle ne peut pas s’occuper de ses quatre enfants. Ainsi Caroline va élever les deux aînées : Marguerite et Madeleine Strohl avec tendresse mais sévérité.
La famille Espinet est de façon générale plus réaliste que la famille La Villette. Charles dit de sa femme : « Elle a un franc-parler sous un aspect brusque, autoritaire voire bougon mais elle est généreuse et socialement engagée ».
En 1898 dernière participation de Caroline à « l’Union des femmes peintres et sculpteurs » et en1899 sa dernière participation au « Salon des Indépendants »
Caroline expose 40 tableaux à Paris en 1901 et 63 tableaux à Bruxelles en 1909.
Le 3 novembre 1912 Caroline décède à la clinique Jeanne d’Arc à Nantes – déclaration par son mari le 4 et transcription le 15 décembre 1912 à la ville de Lorient où elle sera inhumée au cimetière de Carnel.
Elle était vice-présidente de la « Société des Beaux-Arts ».
En 1926 décès de Charles Espinet.
Caroline était meurtrie par l’incompréhension de sa peinture par les amateurs et le silence des critiques. Sur un petit carnet de comptes tenu par son mari il est noté en 1890 une recette exceptionnelle : « vente d’un tableau intitulé « Le Lac » » à un particulier pour la somme de 250 fr et vente à la ville de Lorient d’un tableau nommé « Flambage d’un Lougre » pour la somme de 1 000 fr.
La famille Espinet résidait à Lorient dans la maison de Fourcheblaye où Caroline avait son atelier. Marguerite et Madeleine se souvenaient que : « Tout était prévu pour nous rendre heureuses et nous cultiver et même pendant les vacances à Portivy, nous nous rendions en train à Auray pour suivre des leçons de musique ».
Durant l’été la famille se rendait à Portivy dans sa maison – Ker Charles – contiguë de celle de la famille La Villette. Cétait un voyage de Lorient à Portivy en voiture à âne, avec une halte d’une nuit à Port-Louis ; l’oncle, la tante, les deux nièces, les deux chiens et les deux chats…
Le répertoire des œuvres de Caroline est certes malheureusement très incomplet car de nombreux tableaux réalisés par elle ont brûlé à Lorient dans la maison de Fourcheblaye lors d’un bombardement des alliés en 1943. Cependant il reste quand même un bon nombre d’œuvres de Caroline. La quasi-totalité de ses œuvres sont signées C. Espinet. Pourtant, comme elle a peint dès l’âge de vingt ans, il a dû exister des œuvres signées Jacquier ou Durand mais nous n’en avons pas trouvé
La peinture de Caroline porte une attention particulière aux gens de la mer.
A Portivy, elle peindra le travail des femmes dans les champs, au bord de la côte ainsi qu’au village ou encore l’usine de sardines. Le ramassage du goémon fera également partie de ses thèmes de peintures. Elle fera d’ailleurs plusieurs toiles sur les brûleuses de goémon. Elle se rendra régulièrement au pardon de Lotivy.
Il semble que le succès de sa sœur Élodie ne lui portera pas ombrage. Certes elle peint beaucoup mais vend très peu et la disparition dans l’incendie de 1943 de nombreuses œuvres fait que nous connaissons moins sa peinture.
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Extrait de la présentation de l’exposition par Marie-Catherine Puget
C’est en 1887 que les deux sœurs, nées Jacquier, acquièrent, avec leurs maris Jules La Villette et Charles Espinet, deux maisons mitoyennes sur le port de Portivy.
Les deux sœurs ont respectivement 46 et 44 ans lorsqu’elles commencent à peindre sur la presqu’île. Les 37 tableaux réunis dans cette exposition, provenant presque exclusivement de collections privées, sont donc des œuvres de la maturité qui témoignent de l’évolution de la peinture de ces deux femmes.
La carrière de Caroline Espinet est davantage restée dans l’ombre,elle a moins exposé que sa sœur. Pourtant sa peinture ne manque pas d’intérêt, s’affranchissant plus vite de la tradition des peintres de la Marine pour s’exprimer plus librement avec une touche vigoureuse. Caroline Espinet s’attache de plus en plus à peindre l’activité humaine, le paysage devenant aussi un lieu de vie où s’accomplissent les gestes du travail. A cet égard, il n’est pas étonnant que Caroline Espinet abandonne assez rapidement le Salon officiel à Paris pour le Salon des indépendants [2]. Ce dernier est moins académique sans jury, juste pour montrer sa peinture. La personnalité de Caroline y trouve probablement davantage sa place.
À une époque où il n’est pas facile pour les femmes de se former et s’affirmer en tant que peintres, Élodie La Villette et Caroline Espinet se sont engagées auprès de leurs congénères pour contribuer à faire une place aux femmes peintres. Elles ont ainsi toutes deux œuvré au sein de l’Union des Femmes Peintres et Sculpteurs
[2] lien avec l’exposition du Musée d’Orsay du 26 mars au 14 juillet 2024 : « Paris 1874 Inventer l’Impressionnisme »
Quelques tableaux de Caroline Espinet exposés à la médiathèque de Saint-Pierre Quiberon. Collections particulières
Marie Catherine Puget nous commente l’exposition: » Ces tableaux représentent une grande richesse de patrimoine, le témoignage de la vie à Saint-Pierre à la fin du 19ème s « .
« Cette peinture des brûleuses de goémon est significative de l’intérêt porté par Caroline à l’activité humaine. C’est le regard naturaliste de la peintre qui témoigne ici du travail de ces femmes brûlant le goémon sur la falaise du Fozo à Beg en Aud avant d’en acheminer les résidus pour fabrication de l’iode à l’usine située sur le port d’Orange, côté baie, à Saint-Pierre.
Mais la force de ce tableau se situe bien au-delà de son caractère anecdotique. C’est une peinture d’atmosphère puissante dont la facture ne manque pas d’audace. L’ébauche de figures fantomatiques plongées dans la pénombre, dont la peintre ne retient que l’attitude, dénote un abandon du descriptif au profit d’une liberté de traitement. C’est avec une touche vigoureuse et libre, empreinte d’empâtement que Caroline Espinet brosse cette ambiance crépusculaire mystérieuse où le rougeoiement du ciel contraste avec l’obscurité de la nuit « .
« .
Petits tableaux représentant la vie du port de Portivy associée à la conserverie
» On remarque sur ce « bateau de pêche à marée basse » l’éclat de lumière sur la coque et les traces de peintures pour le travail du vert. A noter aussi toutes les nuances de vases et reflets ainsi que les petits personnages très délicatement posés qui montrent la vie sur la jetée « .
» Sur cette peinture « Séchage des filets à Portivy » il y a des reflets très vivants et en même temps une intensité lumineuse à l’horizon qui est extraordinaire. Le séchage des filets qui pendent avec ce mouvement donne un très bel équilibre « .
» Le travail de carénage sur ce bateau à coque très noire (avec de l’huile de Coaltar) contraste avec les vareuses blanches. La lumière veut toujours dire quelque chose. Là, c’est l’humain et son travail qui sont mis en valeur plus que le bateau « .
» Ici l’atelier d’emboitage de la conserverie de Portivy avec des femmes qui travaillent avec la coiffe, mais il y a aussi un homme qui travaille.
Ce tableau et les peintures des barques de pêcheurs de sardines qui font sécher leurs filets représentent un beau témoignage de la vie du port liée à cette conserverie de Portivy.
Sur les trois tableaux suivants les barques de pêcheurs ne sont pas représentées entières, c’est déjà un décalage qui indique une certaine modernité. Ce n’est pas un hasard chez Caroline, ce cadrage dit aussi que l’essentiel c’est le marin qui est là. Ce n’est pas une histoire de bateau c’est une histoire d’hommes, de l’humanité « .
» Ce tableau « barque devant l’usine » a été peint sur le bout de la jetée de Portivy, on voit l’usine de conserverie de Portivy, sans construction aux alentours. C’est un beau témoignage de cette activité sardinière de Portivy. NdlR cette usine s’est arrêtée au début du 20°s. Voir le livre très détaillé de Yann Guimond « Portivy-Renaron « .
Très beau tableau présentant un ensemble très équilibré avec une harmonie et un rythme de couleur rouille dispatchée à certains endroits . Les reflets sont très marqués« .
» » Le pêcheur à la vareuse blanche « est très réussi du point de vue de la lumière on a une intensité lumineuse sur la vareuse. Il y a un rythme avec les couleurs qui reviennent: le rouge qui est là avec le goémon en fond, comme le blanc, le contraste avec cette masse sombre de la coque met encore plus en valeur « .
Le livre de Marie Madeleine Martinie est épuisé mais il est disponible à la médiathèque de Saint-Pierre Quiberon
Exposition à Lorient en 1994
Exposition à Morlaix en 2014 : Lien sur le site du musée de Morlaix pour télécharger le dossier de l’exposition
Autres sources d’informations