Une histoire familiale originale
C’est une maison cachée au fond d’une allée, à l’entrée de Saint-Pierre Quiberon, qui nous ouvre ses portes en cette fin d’après-midi de novembre et derrière cette porte, Pascale, tout sourire, qui va nous ouvrir son album de souvenirs familiaux. La pluie d’automne nous fait mettre à l’abri dans la véranda illuminée par le vert jardin, mais avant d’y arriver, nous empruntons un couloir puis entrons dans une salle à manger. La décoration hétéroclite est insolite et nous interpelle : le buffet aux volutes bretonnes abrite masques et sculptures africains, des meubles et tissages exotiques parsèment le salon, des images et tableaux africains, asiatiques et sud-américains … Partout l’œil est attiré par ce mélange de styles. Souvenirs de voyages ou héritage familial ?
Des photos sépia qui dégoulinent, en éventail, d’un l’album sur la table autour de laquelle Pascale TILLY nous invite, nous dévoilent des ancêtres aux atours blancs comme dans les anciennes colonies… Nous avons donc déjà un indice mais l’enthousiasme de Pascale, à nous raconter l’originalité de sa famille nous emporte déjà …
Pascale est née dans les années « yéyé » .
Son père, Henri TILLY (né le 27/05/1917 à Saint-Pierre Quiberon) fut capitaine au long cours avant de devenir maire de Saint-Pierre de 1977 à 1980. Sa mère, Gabrielle VONNER (née le 28/12/1929) était mannequin-coiffure. Une photo digne des studios Harcourt témoigne de sa beauté élégante. Henri, qui a été marié, une première fois, en 1946 avec Simone Le GO de 22 ans son aînée, divorcera en 1956.
Henri et Gabrielle se sont unis en secondes noces en avril 1962.
Henri Tilly, est le second enfant d’une fratrie de trois. Après l’aîné mort-né, son frère, le puîné, ne vivra qu’un an ; il s’appelait Yvon (1922/1923). Henri reçoit en héritage de son père, le virus du voyage en mer…
Le père d’Henri, Louis, Henry dit « Henry », est né à Keraud en Saint-Pierre Quiberon le 14/07/1877 de Pierre-Marie TILLY et de Marie-Françoise RICHARD. Il épouse le 14/10/1913 à Saint-Pierre Eugénie LAUTRAM. Il a 36 ans, elle en a 22. Il est capitaine au cabotage, elle est ménagère et le suivra dans ses périples. Pascale se souvient très bien de sa grand-mère. Son grand-père, disparu avant le mariage de ses parents, lui était malheureusement inconnu. « Ma grand-mère de 80 ans faisait encore de longs voyages en car avec ses copines vers l’Espagne et l’Italie » nous confie-t-elle.
Louis Henry est commandant et fait du cabotage avec son navire à distance limitée des côtes. Il fait commerce de billes de bois exotiques, de bananes, le long des côtes africaines. Les souvenirs en bois sombre ornant le salon commencent donc à prendre place dans ce passé que Pascale nous dévoile.
Dakar, la Casamance, Porto Rico, les Antilles sont des destinations qui résonnent dans les oreilles de notre hôtesse. Des photos nous font faire connaissance avec ce couple uni dans la vie comme sur la mer : tenue d’apparat exotique blanche, longue barbe, port de tête digne, le grand père de Pascale était toujours très élégant. « Les vieilles femmes du village me racontent leur admiration pour cet homme élégant et toujours bien mis comme elles disaient : il portait souvent des chemises blanches et un chapeau. Ses chemises étaient toujours à manches longues, même en été! ». Tout le monde pensait à une coquetterie ou bien à une peau fragile au soleil. Mais non, c’était pour cacher ses nombreux tatouages : il en était couvert, souvenirs d’escales dans les nombreux ports visités dans sa jeunesse. Son rôle de mousse avait débuté très tôt, dès ses 9 ans ! Ces escales gravées à vie dans la peau étaient son album-souvenir privé. Ce qui se racontait sur ses bras serait certainement trop long et compliqué à raconter au voisinage. Il fallait rester discret au village. Ceux qui avaient des vies hors du commun pouvaient vite susciter railleries et jalousies gratuites. Sa grand-mère, Eugénie, était, elle aussi, toujours d’une élégance discrète. Elle ne portait pas la coiffe, ni de tenue noire classique comme les voisines, mais plutôt des tailleurs et des chapeaux à voilette. Elle fut une des premières au village à se faire couper les cheveux courts pour le confort des destinations tropicales. Discrétion toujours, au décès de son mari, Eugénie s’est faite religieuse et personne, pas même son propre fils Henri ne le sut jusqu’à ses obsèques en 1972 qui dévoileront son engagement dans les ordres.
Mais, avant tout, ce qui a marqué Pascale, enfant, et qui la dépaysait déjà sans voyager, c’était d’entrer chez ses grands-parents. « Cette maison, nous raconte-t-elle, a vu naître mon père et ma grand-mère. J’y ai résidé jusqu’à mon premier anniversaire, date à laquelle nous avons intégré la maison construite par mes parents au fond de la propriété familiale. »
Une fois la porte d’entrée poussée, un nouveau continent était là ! L’Afrique était à Saint-Pierre Quiberon entre deux missions. Peut-être y avait-il aussi un peu de Saint-Pierre Quiberon dans les bagages de la famille quand ils embarquaient ? « Une tête de panthère, des sculptures de bois sombre, un merle métallique, des tapis tressés de paille africaine et des alligators empaillés ponctuaient le salon » se rappelle Pascale. Il y a même eu une pirogue africaine qui a sillonné la baie de Quiberon et qui a fini sa vie comme jardinière dans le jardin. « Ce petit alligator, nous raconte Pascale, avait été ramené vivant de retour d’Afrique. C’était l’animal de compagnie favori de mon père Henri. Il en était fou ! »
Il logeait dans la baignoire mais en grandissant il est vite devenu ingérable et grâce à l’intemporelle taxidermie de ce cabinet de curiosité familial, il passa de la baignoire au mur !
La mer et le transport maritime comme ADN
Pas étonnant que, en grandissant dans cet univers, le jeune Henri ait eu le virus des voyages : mieux vaut peut-être partir loin que finir empaillé dans le salon !
Henri est érudit, il fait des études et sera diplômé des écoles de Saint-Brieuc. Après trois années studieuses et soixante mois de navigation, Il passe le brevet qui lui permet de commander des navires de commerce et de pêche de tout tonnage : il deviendra le plus jeune des capitaines au long cours en prenant le commandement de son premier bateau à 22 ans. Il parcourra le monde, toujours sur de gros bateaux et naviguera sur le dernier bateau à voiles de la marine marchande de l’époque. Pascale nous rappelle que si cette vie mouvementée de voyageur à l’autre bout du monde n’était pas simple, elle était pourtant déjà bien ancrée dans l’ADN familial avec son grand-père, Louis.
« C’était une famille nombreuse et très modeste » nous confie-t-elle (originaires de Saint-Pierre Quiberon, les familles TILLY, et LAUTRAM étaient installées à Keraud, au Roch ou à Kerdavid). La famille de ma grand-mère était plus nantie car « riches » boulangers du village. Les meubles de mariés de mes grands parents en témoignent car ils sont ornés de scènes de campagne et non de pêche… Mon père a donc pu bénéficier de l’héritage du dur travail familial et tourner son regards vers des horizons plus exotiques.
Les absences parfois longues du père de Pascale, Henri, étaient comblées par la joie de pouvoir parfois le retrouver dans des escales de rêve : Singapour et sa démesure contrastait un peu avec Saint-Pierre, plaisante-t-elle ! Des buildings, des hôtels de luxe, une autre façon de vivre… les enfants partageaient l’excitation mais aussi les contraintes des voyages de leur père. « Et la fois où la famille a tenté, en vain, de rejoindre le bateau paternel avec un retard d’une à deux journées à chaque escale ! » nous raconte-t-elle ! (les communications n’étaient pas aussi simples à l’étranger, même dans les années 80 ! ) Pas moyen de se donner un réel rendez-vous, c’est l’histoire du chat et de la souris qui se rejouait là !
Pascale, totalement enthousiaste du rocambolesque de la situation, nous raconte un vrai livre d’aventures : son père, lors d’une de ses missions maritimes à Rio, faisait, en quelque sorte, « commerce inavouable » avec un missionnaire, le père Paul. Celui-ci remettait à Henri des pierres semi-précieuses qui, après transport jusqu’en Bretagne, étaient revendues à Vannes et ailleurs en toute discrétion. Les fonds obtenus repartaient pour subvenir aux besoins des plus nécessiteux dans les « favelas » de Rio au Brésil.
La seconde guerre mondiale donne à Henri l’opportunité d’entrer dans la Résistance. Il en sera un discret combattant mais sera arrêté dans un train qui se trouvait inclus dans son périple pour rejoindre la résistance et de Gaulle en Angleterre et emprisonné au fort du Hâ à Bordeaux.
Puis ce fut l’Algérie comme capitaine de port pour une compagnie hollandaise pétrolière de navigation de 1971 à 1977. Pascale nous raconte y avoir vécu avec sa mère de 1973 à 1976.
Henri continue à faire vivre son engagement en devenant maire de Saint-Pierre de 1977 à 1980. C’était l’expert maritime de la Presqu’île. Fatigué, il démissionnera de son mandat en 1980. Il repartit naviguer pour l’Algérie jusqu’en 1985 pour finalement prendre sa retraite. Henri TILLY décédera le 18 septembre 2003 à Auray.
Henri ne manquait pas d’humour cependant et Pascale nous raconte une anecdote qui a bien fait rire son père et ses comparses :
« Le progrès amène l’électricité dans notre région. Des filles de Belle-Île revenant d’un pèlerinage à Sainte-Anne d’Auray font une escale nocturne dans une auberge de Quiberon avant de reprendre le bateau le lendemain. La chambrée est éclairée, chouette, quel confort ! …mais elle le restera toute la nuit. Dommage. Les jupons de ces dames ont chauffé car elles les ont posés sur l’abat-jour en espérant obtenir un peu d’obscurité. Personne ne leur avait montré l’existence et le fonctionnement de l’interrupteur ! Gast ! »
Photos sans information à vous de nous aider à les faire revivre
Photo de mariage à Saint-Pierre, prise dans la cour de la boulangerie dans la propriété
Gaël a identifié (croix jaune X ) : de gauche à droite Armande Plunian – Augustine Plunian – Marie-Sainte et son mari Fernand Eveno (il était secrétaire de Mairie à Saint Pierre)
Reconnaissez-vous des personnes ?
Nous partageons ces deux photos de classe ci-dessous, dont nous n’avons ni date , ni identification
Avez vous une idée des dates, des écoles ?
Reconnaissez-vous des personnes ?