Ca y est la sardine est revenue. Tout le monde s’est affairé et les bateaux sont partis en mer.
Arrivés sur site, la volaille (les goélands) s’affaire déjà sur les bancs, pas besoin de rogue, le poisson est là.
Allez! en position, les filets à la mer et au boulot. Le poisson est petit à petit enfermé, le filet s’alourdit, la pêche va être bonne. Tout d’un coup, plus de cris d’oiseaux, et là-bas ils remontent rapidement leurs filets…
ZUT ZUT et ZUT…
Un aileron fend les eaux et fonce sur le filet. Tout d’un coup, les lièges du filet plongent brutalement. On tente de le remonter rapidement. Trop tard une déchirure de plusieurs mètres apparaît, le filet est détérioré. Les bélugas sont de retour et avec eux une pêche moindre, des travaux de remise en état des filets. Catastrophe, mauvaise année.
Ceux que l’on appelle «bélugas» (« moroc’h » ou « bleimor » en breton) sont ces animaux qui attaquent les bancs de sardines. Ils sont friands de ce petit poisson et en engloutissent dès qu’il peuvent.
Surnommé, au XVIIIe » Le maigre » ou » Roi des sardines « . Détestable roi que celui-là qui se jetait gueule grande ouverte sur ses sujets et les massacrait sans merci, déchirant au passage les filets tendus derrière les chaloupes. Hélas, dès qu’on voulait décrire ce monstre, tout devenait flou. Si du côté de Bordeaux un poisson bien connu portait le nom de » Maigre « , aucun n’avait été capturé. Tout juste certains l’avaient-ils aperçu entre deux eaux : 7 à 8 pieds de long, de couleur noire ou brun verdâtre. Sur le dos, plusieurs tâches d’un jaune éclatant qui confirmaient son statut de Roi. Animal maléfique en tout cas, car s’il repérait une barque jetant de la rogue pour attirer le poisson, il ne la quittait plus, sachant que les sardines ne tarderaient pas à se regrouper autour de cet appât dont elles étaient friandes. Les marins n’osaient même plus mettre leurs filets à l’eau et rentraient au port. On avait rencontré le Roi de sardines, le mauvais sort était sur le bateau ! En 1860 encore, des rapports officiels feront état de ce redoutable animal » dont la forme se rapprochait de celle du thon « , reconnu par des fonctionnaires assermentés de la marine.
En fait il semblerait que ce fameux béluga soit un dauphin de Risso (grampus griseus) qui, malgré son appellation de dauphin n’en est pas un.
Compte tenu de l’importance de la pêche à la sardine, et des enjeux économiques sur le pays, mise à l’arrêt des usines…, la Marine aide les pêcheurs à tenter de se débarrasser de l’animal en envoyant des bateaux faire la chasse aux bélugas.
En 1903, il était demandé aux pêcheurs de hisser un panier en tête de mât dès qu’ils voyaient le torpilleur.
En 1913, un article fait état de l’arrivée d’un petit bâtiment à vapeur appartenant à l’état pour faire la chasse aux marsouins bleus dits bélugas. Il est indiqué que la maison » Amieux » (conserveur bien connu) a mis au point un dispositif d’aiguilles qui s’ouvre dans le corps de l’animal.
En 1927, le consortium breton (journal breton) organise une réunion avec les marins et pêcheurs en présence de M de Saisy sénateur. Celui-ci indique qu’il se met à la disposition des pêcheurs et de leur syndicat pour faire l’achat d’une vedette à moteur en vue de chasser les marsouins la nuit. Il est fait état d’une prime de 500 francs pour la capture d’un béluga.
En 1930, les pêcheurs de Quiberon et Saint Pierre Quiberon ont sollicité M RIO sous secrétaire d’état à la Marine afin d’étendre la zone d’opérations du chasseur affecté à la recherche des bélugas jusqu’à la région des Courreaux de Belle Ile et à la baie de Quiberon.
Toujours est-il que l’on n’en voit plus. Ils sont partis avec la sardine, et descendus vers les mers chaudes.
A moins que ce soit les sardines qui ont suivi leur roi…
Mais nous avons toujours nos belugas. Le « clan PEQUARD », les archéologues qui ont longtemps travaillé sur l’îlot de TEVIEC dans le cadre des découvertes d’ossements humains du néolithique, appelaient ainsi ceux qui sont nommés « dutchentils » ailleurs sur la presqu’île, à savoir nos estivants.
Commentaire de Florence en charge du site ker1856.bzh
En interne un débat animé s’est ouvert sur ces prédateurs : bélugas ou marsouins ?
Nos saint-pierrois nés en 1945-55 se souviennent dans leur enfance ou adolescence de la présence des marsouins aussi bien sur les côtes qu’en steak sur les marchés .
Emmanuel Le Serre, marin pêcheur qui a subit les agressions de ces prédateurs et les casses des filets lors de pêche à la sardine nous parle de bélugas et marsouins indifféremment. Pour lui la menace était réelle, peu importe le nom…
Selon Joël Le Nouen les « bélugas » : Le Bleimor ( LOUP DE MER ) comme les Bleidi ( Loup de nos campagnes ) ont été exterminés avant les années 20
Le grand barde de Groix Yann Ber Caloc’h avait choisi comme nom BLEIMOR . Ce nom est également celui d’un des meilleurs bagadou bretons des années 60/70 qui avait à sa tête Alain Cochevelou ( Alan Stivell ) signifiant la source..
Le vrai béluga vit dans l’artique et n’a pas d’aileron mais selon M Beaulieu (article ci dessous) ces bélugas seraient des dauphins de Risso
Affaire importante à suivre … vos expériences , commentaires sont les bienvenus pour étayer ce débat
Une réponse
Des belugas dans la baie ou le long des côtes bretonnes c’est assez peu vraisemblable , leur habitat se situant plutôt en effet dans les eaux très froides( même si l’été dernier on a constaté d’étranges errances ou comportements chez les cétacés.
Inversement les anciens parlent de l’abondance des marsouins, que l’on peut voir , comme les dauphins sinon dans la baie du moins pas très loin au large, on peut même y croiser des globicéphales;