Cet article fait suite à un premier article sur la famille Pauvert qui explique leur histoire et leur lien avec Saint-Pierre Quiberon . Nous avons mis en valeur Marguerite Pauvert. Lien vers l’article de Marguerite Pauvert
Les parents Henri et Louise PAUVERT étaient des peintres membres de la Société des Artistes Français. De l’union de Henri et Louise naîtra Marguerite en janvier 1902 et 18 mois plus tard Odette en novembre 1903.
Elle suit pratiquement la même scolarité que sa sœur, rue Madame, puis à l’Ecole Nationale des Beaux-Arts, et côtoie les mêmes artistes, Ferdinand HUMBERT pour le dessin, Émile RENARD pour la peinture.
Les jeunes années
En 1923 elle expose pour la première fois au Salon des Artistes Français, où elle présente une miniature (un portrait) qui est tout de suite remarquée et qui reçoit une médaille d’argent.
L’année suivante, elle expose deux peintures : « Après le bain » et « Le collier bleu » (conservé actuellement au musée de Copenhague), divers dessins, ainsi qu’une autre miniature représentant une jeune fille au turban qui lui vaudront une médaille de bronze.
A l’Ecole des Beaux- Arts, les œuvres d’Odette sont rapidement remarquées et lui vaudront plusieurs récompenses (prix Jauvin d’Attainville, prix Sturler, prix Chenavard).
En 1923 elle se présente pour le Grand Prix de Rome de peinture avec « Le Golgotha » mais elle ne termine que dans les 10 premiers.
En 1925, à seulement 21 ans, elle devient la première femme lauréate du prestigieux Prix de Rome avec « la légende de Saint Renan ». Seules quatre autres femmes obtiendront cette prestigieuse récompense.
Le Prix de Rome
Le Prix de Rome est une bourse d’études pour les étudiants en arts. Ce prix fut initié par Louis XIV sous la forme d’une récompense annuelle pour de jeunes artistes prometteurs. Initialement le lauréat gagnait un séjour de quatre années, d’abord au palais Mancini, puis plus tard à la villa Médicis, aux frais du roi de France.
Ce prix est un événement majeur de la vie artistique nationale. Il en était attribué un seul dans les catégories suivantes : peinture, sculpture et architecture auxquelles furent ajoutées en 1803, la composition musicale, puis la gravure. Il s’agit d’un évènement important qui a des retombées en matière de célébrité. Il est suivi par la presse internationale.
Pour y participer, le candidat doit présenter une lettre de recommandation d’un maître reconnu, être de nationalité française, célibataire, de sexe masculin, avoir moins de 30 ans, et avoir réussi l’examen d’admission à l’Ecole des Beaux-Arts.
S’ils peuvent se présenter plusieurs fois, certains grands artistes comme DELACROIX et DEGAS n’ont jamais réussi à être lauréats.
Ce prix disparaîtra en 1968.
La condition de sexe masculin sera annulée en 1903, grâce à l’action militante de Hélène BERTAUX. La première femme lauréate du prix de Rome fut la sculptrice Lucienne HEUVELMANS.
En 1925 Odette PAUVERT, qui obtiendra ce prix à la quasi-unanimité (moins 2 voix de juges considérant qu’une femme ne pouvait obtenir ce prix – misogynie évidente), fut la première femme peintre titulaire de ce prix. Cette reconnaissance fit grand bruit dans le milieu de l’art, car ce concours n’était pas simple, et il pouvait y avoir jusqu’à une centaine de concurrents.
Le concours se déroulait en 3 épreuves qui débutaient au printemps.
– La 1ère épreuve consiste en une esquisse peinte à l’huile sur toile de 32,5 x 40,5 cm, dont le thème, toujours d’inspiration biblique ou mythologique, est annoncé au début de l’épreuve. Les concurrents disposent de 12 heures et ne peuvent sortir de la salle qu’après avoir remis leur tableau.
– A l’issue de cette épreuve, il ne reste plus qu’une vingtaine de candidats qui se retrouvent cinq jours plus tard, pour 4 sessions de 7 heures où ils sont consignés dans le même atelier que pour la première épreuve, pour travailler sur un sujet imposé, une étude de nu peinte à l’huile de 81x65cm d’après un modèle masculin.
– Le même jury délibère pour ne retenir qu’une dizaine de candidats. Ceux-ci se retrouvent pour une épreuve de 72 jours !!! Les « logistes » comme on les appelle sont enfermés à l’intérieur de l’école dans des pièces séparées, sans pouvoir communiquer entre eux. Le sujet, qui est annoncé par le secrétaire perpétuel de l’Académie, est composé de deux épreuves, une esquisse dessinée et une grande peinture de 113,7×146,5cm.
Une fois achevée, cette dernière est en principe présentée vernie devant le jury, les journalistes et le public, ce qui ne sera pas le cas pour Odette qui a toujours refusé de vernir ses œuvres.
– Le jugement définitif intervient quelques jours plus tard.
On comprend mieux l’importance de ce prix, au regard de l’investissement demandé aux artistes.
En décembre de 1925, Odette part avec toute sa famille en Italie, ainsi qu’avec tous les lauréats
de la promotion 1926.
Elle y restera 3 ans. « c’est un environnement… quel bon souvenir j’ai gardé de ces trois ans passés avec mes camarades à la Villa ! Avec quelle passion nous travaillions à « nos envois » dont nous n’attendions pas assurément la gloire, mais tout au moins quelque chose qui y ressemblerait » déclarera-t-elle en 1929 à son retour.
En effet, pour compenser la prise en charge de leur séjour, les lauréats devaient fournir en contrepartie quelques travaux.
Odette réalisa la première année « au pays des semailles fécondes », la deuxième année, une copie de la « messe de Bolsena » de Raphaël, et la troisième année, une vaste toile intitulée « La dernière visite du Poverello à Sainte Claire » représentant Saint François d’Assise.
En Italie, elle affermit son style au contact de la peinture du Quattrocento, mais également des paysages italiens.
En 1929 elle rentre à Paris . Elle va travailler dans l’atelier de ses parents 109 rue du Cherche- midi et elle va réaliser toute une série d’œuvres remarquables dont « Éros vainqueur de Pan » en 1932.
En 1930 Directrice de l’Académie
Peu après son retour, Émile RENARD, directeur de l’Académie va décéder (en août 1930) et sa femme Mary va demander à Odette PAUVERT de reprendre la direction, « Mon cher mari avait pour vous une vive affection, vos qualités d’artiste l’intéressaient au plus haut point. Il vous l’a déjà prouvé et il n’a pas douté que vous sauriez continuer son enseignement, qui l’a passionné” écrira-t-elle dans une lettre datée du 17 août 1930.
Odette accepte mais tient à associer sa sœur Marguerite à cette académie qui prépare au concours d’admission à l’Ecole des Beaux-Arts.
En 1931 elle peint un chef d’œuvre « Eros vainqueur de Pan » voir commentaires sur ce tableau sur Instagram.
Qui a été la couverture du catalogue de l’exposition sur Odette Pauvert en 1986 au Musée Ste Croix de Poitiers.
En 1932, l’architecte de l’église du Saint- Esprit dans le 12ème arrondissement de Paris, Paul TOURNON, commande à notre artiste une fresque, art qu’elle affectionne tout particulièrement comme elle le déclare lors d’une interview à la radio « Mon ambition est de me consacrer aux grandes décorations murales, à la fresque qui m’intéresse plus que tout ».
Le sujet traité dans la décoration de cette église est : « Les églises grecque et romaine se réconciliant au concile de Florence réalisent l’unité de l’Église sous l’autorité papale » Cette réalisation reflète une influence de l’art byzantin. C’est une œuvre de 5,00 x 2,50m, où apparaît tout en haut à droite le visage de sa sœur Marguerite.
Elle a participé à cet énorme chantier avec Maurice DENIS et Georges DESVALLIERES.
L’année suivante en 1933, elle exécute une décoration « L’amour maternel » pour l’école primaire de garçons de la rue Jomard à Paris.
Cette même année, elle sera à nouveau récompensée par l’Académie des Beaux-Arts et se voit attribuer une bourse pour la Casa Velázquez à Madrid, où elle arrive en décembre et passe toute l’année 1934. Au salon des Artistes français de 1935, elle présentera 8 toiles inspirées de son séjour espagnol.
En 1936, elle sera sollicitée par la ville de Sèvres qui lui commande une décoration pour le dortoir de sa garderie d’enfants, et pour laquelle Odette choisira d’illustrer des comptines enfantines.
En 1937, à l’occasion de l’Exposition Universelle, elle réalisera pour le pavillon des bijoutiers « Naissance des pierres précieuses », et pour le Vatican, 6 bannières de différents saints.
C’est en juin 1937 qu’elle épousera André TISSIER, ingénieur des Travaux Publics, dont le père le général Louis TISSIER, chef d’État-Major de l’armée de terre puis gouverneur militaire de Paris pendant la Grande Guerre, était très intéressé par les milieux artistiques.
Il commanda notamment la première fonte en bronze de «L’âge mûr » de Camille Claudel et André TISSIER, son fils, en fit don au Musée d’Orsay.
Odette et André auront 3 enfants: Odile, Yves et Rémy nés respectivement en 1938, 1939 et 1941.
Au fil des années, elle poursuit son travail dans la tradition de l’art français du XX e siècle, avec une grande fidélité au style des artistes français.
Malheureusement arrivèrent les heures de sommeil de l’Occupation et ce que l’on pourrait appeler le purgatoire des artistes de qualité. Pendant cette période, le rêve de décoration architecturale d’Odette PAUVERT prendra fin, mais ses qualités d’artiste ne disparaîtront pas. Quand certains s’orientent vers un cubisme tardif, elle se dirige dans la voie des précisionnistes américains.
Elle travaille davantage l’épaisseur de la matière et, en matière d’inspiration, s’oriente vers l’intimité. Persiste également cette remarquable maîtrise qui s’exprime dans les miniatures, ou les portraits de famille, de ses proches et amis, mais également d’allégories connues comme « La petite espérance » d’après le poème de Charles PEGUY.
Après la guerre, elle continue dans cette voie et retrouve dans les paysages bretons, à Saint-Pierre notamment, de nombreux sujets d’inspiration.
Parallèlement elle réalise de nombreuses copies comme «Le concile de Trente » du Titien en 1961, « Le bon Samaritain » d’après REMBRANDT en 1962.
Elle décède à Paris brusquement, le 26 mai 1966, à 63 ans. Elle est enterrée avec son époux au cimetière du Père Lachaise.
Une toile à Locronan
Une de ses toiles, qu’elle avait offerte en 1935 à Charles DANIELOU, maire de Locronan et député du Finistère, “Invocation à Notre dame des flots » fut retrouvée en piteux état dans les réserves de la mairie.
La toile fut rénovée et classée aux Monuments Historiques en 2015.
Autres œuvres
Les deux tableaux ont une similitude évidente, sauf que celui d’Odette PAUVERT représente les rochers de la Côte sauvage. Thibaut nous raconte que ce tableau trônait dans la maison d’Odette à Saint Pierre, et qu’on lui racontait qu’au-delà de la narration mythologique, il s’agissait de « l’enlèvement » de sa maman par son papa à l’occasion de leur futur mariage en 1966. Le tableau du Quattrocento étant lui-même la face d’un coffre de mariage.
Autre découverte fortuite, lors d’un article publié dans Paris-Match du 22 mai 2014 avec l’interview de Jean Yves LE DRIAN dans son bureau au Ministère de la Défense. On y découvre au fond de son bureau le portrait de Clemenceau peint par Odette PAUVERT.
En conclusion de la lecture de ces 2 articles sur cette famille de peintres , il en ressort un attachement viscéral à la presqu’île de Quiberon. On retrouve des paysages communs dans leurs œuvres respectives des deux sœurs, à l’image de la fontaine de Lotivy non loin de la chapelle éponyme à Portivy.
Marguerite restera dans la maison familiale « La Palette » jusqu’à la fin de sa vie.
Odette fera construire, juste derrière, avec son mari André TISSIER, la villa ATAO (A Tissier André Odette) qui veut dire « toujours » en breton.
Pour voir certaines de ses œuvres avec les commentaires, il existe un compte Instagram Lien Instagram Odette Pauvert