A la fin du XIXe siècle et au début du XXe, dans la presqu’ile, les ainés des garçons adoptaient souvent le métier de leur père, mais comme les familles étaient nombreuses la seule possibilité de métier pour les autres garçons de la fratrie étaient de se tourner vers la mer et d’adopter la profession de marin ; soit en s’engageant dans la Marine Nationale « la Royale » ou en devenant marin à la pêche, marin au cabotage, marin au long-cours.
Trois générations de marins ; trois destins ; trois enfants qui par choix, par besoin ou devoir embrasse le dur métier de Marin…
Mon grand-père : Julien GUÉHO
Mon grand-père, Julien GUÉHO de Portivy, l’ainé de dix enfants, embarque pour la première fois comme mousse sur un bateau de pêche « l’Aléau » à peine âgé de 12 ans, le 1er février 1889, pour une campagne de sept mois, il est alors inscrit maritime « provisoire ».
Après quatre années de navigation selon les différents « contrats« , il devient novice en 1893. Lorsqu’il atteint l’âge de dix-huit ans, il devient inscrit maritime définitif.
Au gré des embarquements, Julien fera de la pêche, du cabotage ou naviguera au long-cours entre 1895 et 1915, avant d’être mis à disposition de la guerre. Il est alors âgé de trente-huit ans.
Il sera affecté au 3ème RIC [Régiment d’Infanterie Colonial] à Rochefort, comme bien d’autres marins, mais ceci est une autre histoire.
Il est remis à disposition de la marine le 10 août 1917, au 3ème dépôt de Lorient. Selon les registres d’embarquements, il termine aux équipages de la Flotte (?) Il ne sera libéré du « service militaire » que le 10 novembre 1926 (!)
Pourtant après l’ « l’intermède » de la guerre, dès 1921, il reprend la pêche, parfois comme matelot, parfois comme « patron », notamment sur l’ « ESPOIR EN DIEU[1] », à Quiberon, ou sur le « NOTRE DAME de LOTIVY »[2] toujours à Quiberon.
En avril 1933, Julien acquiert un canot à moteur, « le JEAN et LILI » construit en 1933 à La Trinité-sur-mer, qu’il vendra en juin 1945 à son neveu Yvon PERRET.
Photo de juillet 1938 du capitaine Julien Guého avec un apprenti pêcheur
Julien pour son dernier embarquement embarque comme matelot à la « petite pêche » sur « PETIT MARC », du 1er septembre 1948 au 19 octobre 1948, il a 71 ans.
Julien ne sera rayé des registres maritimes qu’en 1952 à l’âge de 75 ans (!)
Remerciement à Christian JIQUEL
Mon oncle Louis LE GARREC
Louis Le GARREC, dit « Bibi GARREC », mon oncle, était issu d’une famille de menuisier, son grand-père, puis son père ont été menuisier à Keridenvel.
Alors qu’il a onze ans, son père décède. La famille est dans la difficulté ; il est alors élevé chez une de ses tante à Keridenvel. Etant l’ainé des garçons de la famille Louis pour aider sa mère embrasse la profession de marin !
A l’âge de treize ans il embarque pour la première fois, comme mousse, au Croisic, sur un dundee « le BERTHE » en mai 1912.
Après cette première campagne, il dépose son sac à bord d’un trois-mâts « Le LAENNEC » qui faisait des rotations : Liverpool – Belfast – Limerick pendant deux ans et demi.
Louis enchaine les campagnes. A dix-sept ans il devient « matelot léger » et navigue au long-court à bord du brick-goélette « le COURLIS ».
En 1914, trop jeune pour partir à la guerre et peut-être aussi parce qu’il est soutien de famille, il ne sera mobilisé qu’en avril 1918 au 3ème dépôt de Lorient.
Il embarque alors comme « garçon » puis comme « matelot » sur « le France IV ».
En mars 1919, il rejoint le 1er dépôt à Cherbourg et navigue comme matelot sur le « VOLTAIRE », l’« HORTENSE », le « JEAN BART », le « LORRAINE » jusqu’en avril 1921 où il revient à la vie civile.
La vie de marin se fait tout au long des « contrats ». Pas de stabilité de l’emploi ; il faut aller chercher les embarquements c’est ainsi que l’on peut être un jour marin au long-court et courir les mers du globe, puis six mois après, n’être que matelot à la « petite pêche » à Portivy…
Au cours de ses embarquements Louis fit une campagne sur le navire « La MARTINIÈRE ». C’était un bateau-prison qui transportait les bagnards de métropole en Guyane.
Louis Le GARREC arrête les services à la mer à : 388 mois et 20 jours de navigation :
Etat : 36 mois au long cours – 64 mois et 27 jours au cabotage – 253 mois et 5jours de navigation de guerre – 40 mois et 5 jours de « petite pêche » + 4 mois 15 jours.
A la retraite à la fin des années 50, à Portivy, il embarquera à la « petite pêche » avec Pierre CULERIER comme patron et Pierre JIQUEL.
Dans les années 60, pour son plaisir et aussi sa godaille, il ira à la pêche avec son gendre sur le canot[3] « Le Cygne ».
Remerciement à Christian JIQUEL
Entretien Francis PENCALET
Extrais : Entretien avec Francis PENCALET du 2 janvier 2023 par Jo & Gaël Le BOURGÈS
J’ai eu douze ans[4] quand j’ai commencé mais je n’allais pas pour travailler, j’allais pour observer. Il y avait d’autres mousses comme moi embarqués pendant la période des vacances.
Francis, comment se passait une journée en mer quand tu partais tôt à trois heures le matin ?
Eh bien, l’équipage se réunissait sur le port bien sûr et puis avec une des annexes du bateau nous faisions la navette entre le bateau et le quai. Une première navette parce qu’aussitôt que le moteur du bateau était en route, on venait à quai charger l’équipage et puis, nous appareillons. Nous allions en général dans les « coureaux » entre Belle-Ile et Quiberon, c’était rare si nous passions de l’autre côté de l’ile.
Alors nous mettions deux canots à l’eau avec deux hommes par canots. Dans le premier canot, l’un tirait sur les avirons enfin je veux dire sur les rames parce que l’aviron c’est à l’arrière du canot pour « godiller », l’autre appâtait.
La veille avait été préparé un fût de rogue qui était coupé en deux pour la faire gonfler pendant la nuit et, effectivement ça gonflait bien et cela servait d’appât. Alors les canots étant jetés à la mer devant Belle-Ile, les deux hommes devaient « faire monter la sardine », ils appâtaient et la sardine montait. Lorsqu’ils la voyaient monter, ils appelaient le bateau-mère qui venait mettre ces filets, à l’époque c’était encore des filets droits, ce n’était pas des filets en cercle : la bolinche…
Dans l’autre canot ils tiraient sur l’autre bout du filet.
Une fois que la sardine était « montée » dans le filet nous «démaillons », c’était une sacré corvée ça, enlever la sardine des filets ! Puis nous les mettions dans des caisses ; c’était trois caisses que nous empilions l’une dans l’autre pour faire plus de place dans le bateau tu vois ? Des caisses en bois et bah aussitôt terminé, allez clac, nous remettions le filet, si il y avait du poisson, si les autres bateaux pêchaient à côté ; parce qu’on s’observaient à peine arrivé sur les lieux, on observait celui qui venait d’arriver pour voir un peu ce qu’il pêchait puis on se rapprochait un petit peu de lui et puis ben, lorsqu’ils avaient bien pêché le matin par un coup de chance, ça leur permettait de rentrer plus tôt au port et même, si ils avaient moins de sardines ils la vendaient plus cher. Alors il y avait un gars qui arrivé à quai prenait une caisse et allait à la vente ; il y avait tous les mareyeurs sur le quai qui étaient autour de lui…
[1] L’« ESPOIR EN DIEU » : canot construit en 1912 à l’Ile Tudy – 3 Tx 47 pour Jean-Julien CARIOU, vendu à Julien, Marie GUÉHO de Renaron en St Pierre Quiberon. Désarmé le 20.05.1925.
[2] L’un des nombreux bateaux baptisé « Notre Dame de Lotivy », construit en 1869 à Port-Haliguen, appartenant à Louis Marie CORVEC demeurant au bourg de Quiberon. Canot armé à la pêche.
[3] Prononcer « canotte »
[4] En 1944