Une entreprise d’électricité à Kerhostin

Extrait de l'article

Bernard Maire nous raconte l'histoire de l'entreprise d'électricité créée par son père André qu'il a reprise jusqu'en 1978

Participants à la rédaction de cet article

Entretien de Bernard Maire, son fils André et leur famille par Gaël le Bourgès et Françoise Pichon Rédaction de l’article par Françoise Pichon.

Copie des images et textes interdits sans l'autorisation de KER1856

André Maire installe l'entreprise d'électricité dans les anciennes écuries du Relais

Cette entreprise, dont se souviennent les anciens de Kerhostin, a été créée par André MAIRE, installée dans les anciennes écuries du Relais, l’ancien Relais de Poste (voir notre article Le Relais à Kerhostin ) situé en bordure de la route départementale dont la famille Maire est propriétaire, puis reprise par son fils Bernard qui raconte ses souvenirs.

« J’ai 12 ans lorsque mes parents viennent s’installer définitivement à Kerhostin à Noël 1949. Je suis allé à l’école Saint Clément à Quiberon. Des travaux importants ont été réalisés dans les dépendances du Relais pour ouvrir un magasin d’électricité et l’Agence « Vélosolex », vente et réparation » pour la presqu’île. Conjointement une poissonnerie a été aménagée pour ma sœur Micheline qui venait de se marier et prévoyait avec son mari une carrière de mareyeur. En attendant la famille vivait chez mes grands- parents maternels, les PIERDET au « village nègre » (entre le « Château Rouge » et la voie ferrée).

Ndlr : A St Pierre, l’origine de ce nom surprenant n’est plus certaine ; des témoignages indiquent que ce serait lié au « mode de vie de certains habitants », et du fait qu’il y avait « des constructions en bois » selon ce qui nous a été relaté.

La boutique dans les années 1950
Les solex photos prises du Relais

André Maire sera élu plusieurs mandats à la mairie de St Pierre

MM Perion, Richard , Boutet, Maire (adjoint au Maire)

Mon père a été rapidement sollicité par le maire de Saint-Pierre-Quiberon, Monsieur PILLET, pharmacien à Kerbourgnec, pour être conseiller municipal.

NDLR : M. Pillet tenait une pharmacie après les menhirs de Saint Pierre direction Kerbourgnec sur la droite, puis cette pharmacie a été reprise par M. Richard, ensuite M. Richard déménagea dans la grande propriété en face du parking qui est en contre bas de l’église, pour s’installer définitivement Rue du Général de Gaulle (arrière du magasin Max Plus actuellement). M Pillet était le père de Mme Conus qui tenait la quincaillerie de St Pierre, et n’avait pas de lien avec la famille Pillet qui tenait une charcuterie. KER1856 remercie Mme Colette Kervadec pour ces clarifications. 

Il a été élu et s’est investi. Par la suite il sera constamment réélu et travaillera avec les maires successifs Messieurs PILLET, CORRAIRIE ET RICHARD ; Il est devenu adjoint au Maire. Il décède à 63 ans, usé par ses fonctions municipales. Un jour où il a assuré la circulation par grand froid, il est rentré très fatigué, ayant très froid, ma mère a fait ce qu’elle a pu, le Docteur Tacher a été appelé, mais quand il est passé dans la soirée c’était trop tard .

Bernard Maire reprend et développe le commerce

J’ai pris assez vite la suite dans l’entreprise, mon père étant très absorbé à la mairie, il assurait un peu d’administration, mais j’assurais les chantiers.
Le magasin est devenu rapidement une enseigne d’électro-ménager, radio, télévision. La venue de la télévision dans le Morbihan a été très rapide dès la mise en service de l’émetteur de Vannes ; auparavant , avec l’émetteur de Rennes , la réception était fonction des conditions atmosphériques, il fallait une grande antenne de 5 mètres.
Je faisais des démonstrations, principalement dans les cafés et restaurants – l’hôtel de la Plage, l’hôtel de la Gare, la Taverne à Port Maria- transportant les appareils et une antenne télescopique de 17mètres de haut, fixée latéralement sur ma 203 , lorsqu’il y avait des émissions, le soir entre 20 et 22h. La mire apparaissait ¼ d’heure avant l’émission pour permettre le réglage de l’image. Il y avait aussi l’émission du midi, qui finissait à 13heures. Les postes étaient gros à l’époque, on avait un chariot pour les charger dans la voiture par la porte arrière, on pouvait en mettre deux.

Le camion de l’entreprise vers 1960
Un téléviseur des années 60-70

Je me souviens aussi du travail occasionné par le passage du 110 au 220 volts.

NDLR : C’est en 1956 qu’EDF décide de fournir les usagers de tout le territoire avec une tension de 220 volts pour limiter les pertes pendant le transport d’électricité, plus le voltage est élevé, moins il y a de pertes. Depuis 1993 nous sommes alimentés en 230 volts, sans modification d’appareils, pour harmonisation européenne..

La JUVA 4,( rachetée au boucher Bruzac) aux panneaux publicitaires amovibles pour l’utilisation en sorties privées( les bals)

 Il fallait passer dans toutes les maisons pour recenser les appareils électriques à modifier ; certains étaient transformables sur place, d’autres nécessitaient un retour à l’atelier. Nous déposions à l’avance dans chaque maison le nombre d’ampoules nécessaire.. Ce chantier a représenté plusieurs mois de travail en 1956. Le jour « J » le matin on était en 110, le soir en 220, il fallait que tous les matériels et les ampoules soient changés . On avait changé les ampoules en avance dans les maisons inoccupées; c’était le plus gros du travail on en a commandé 7000, il y avait aussi des tubes fluorescents dont il fallait changer les transformateurs. A l’époque il y avait très peu de matériel électrique chez les particuliers : quelques réfrigérateurs, les postes de radio, des moulins à café, quelques rasoirs électriques, les fers à repasser. C’était gratuit pour les usagers (selon le matériel qu’ils avaient déclaré) l’entreprise était rémunérée par le Génie Rural.

Des chantiers aussi à Belle-Ile

J’ai assuré ce travail également à Sauzon et dans tous les villages entre Palais et Sauzon.

J’y ai un souvenir marquant. Arletty, qui avait une maison à la pointe des Poulains, était dans un café du port avec Michel Simon, j’arrivais avec ma JUVA 4 de travail quand elle est sortie brusquement du café, j’ai failli la renverser , vous imaginez quel évènement !

Ndlr : Arletty (1898- 1982) actrice et chanteuse française a joué dans de nombreux chefs d’œuvres du cinéma français, Hôtel du Nord, Les Enfants du Paradis, Les Visiteurs du Soir…Michel Simon (1895-1975) acteur de théâtre et de cinéma, a joué notamment dans Boudu sauvé des Eaux, l’Atalante, Le Vieil Homme et l’Enfant… Arletty conquise par Belle-Ile à la suite du tournage catastrophe de « la fleur de l’âge »de Carné et Prévert a choisi la Pointe des Poulains pour y abriter ses amours avec son fiancé allemand.

Le Guedel

Quand j’allais à Belle-Île la voiture était chargée « au filet » (dans un filet) pour prendre le bateau , il n’y avait pas encore les équipements portuaires ni les ferrys adaptés, c’était un vrai problème lorsque le temps était mauvais. Parfois on voyait arriver la voiture, mais il ne pouvaient pas la décharger à cause des horaires de marée; le bateau était « Le Guedel » parfois on faisait demi-tour à la Teignouse et parfois aussi on ne partait pas. Une fois je suis resté bloqué à Belle Île pour le Nouvel An, je suis allé danser là-bas , l’orchestre, Ferry Bertock, est arrivé par le canot de sauvetage, ils étaient pâles comme des morts à cause du mauvais temps.

Quelques anecdotes

Pendant ce chantier du passage au 220 vol,  un habitant de Keridenvel, à qui je demandais une signature pour attester les travaux demande « il vous faut une signature ordinaire ou une signature spéciale ? », il devait avoir une signature du dimanche !
Je me souviens d’une anecdote de dépannage, une dame de Kerboulevin dont le poste de TSF ( ndlr : Téléphonie Sans Fil, appellation à l’époque des postes de radio) était en panne ne s’en est pas aperçue tout de suite, elle m’a dit « c’était midi, je croyais qu’ils étaient allés déjeuner, comme ils ne revenaient pas, je vous ai téléphoné »
Une autre anecdote : une dame voulait acheter un poste de TSF, mais il fallait absolument qu’il joue « les gars de la marine »
Au début , les gens allaient voir la télé chez ceux qui en avaient ; à Kerhostin les premiers à l’avoir étaient « le Bon Accueil », la mère de « Totoche » ( Georges) Kerzerho . Au bourg de Saint-Pierre c’étaient Pillet, Alexis Madec ; à Quiberon il y avait le café La Taverne.
Je faisais marcher la télé dans la vitrine du magasin et les gens venaient la voir là. Pour le tour de France je mettais un haut-parleur extérieur.

Après j’ai aussi vendu des appareils ménagers, des cuisines. J’ai aussi assuré un dépôt de presse l’été ( pour le compte de Tarby rue de l’Eglise, puis Couillabin et Jossic)

La nouvelle boutique

La nouvelle boutique et la poissonnerie de ma sœur Micheline

Dans les années, 60 j’ai démoli le petit magasin pour en construire un plus vaste, avec un espace suffisant pour exposer les appareils ménagers, il y avait aussi la maison attenante, tout cela sur l’emplacement des anciennes écuries du Relais.

Le Relais avant rénovation

Pour le pardon de Lotivy, le 8 septembre j’assurais la sonorisation de la procession en installant environ 20 haut-parleurs sur tout le parcours et en tirant des câbles , de la chapelle au Port puis jusqu’à Renaron et au café de Madeleine Renaud ; je sonorisais la messe sur le petit bout de terrain de la chapelle. Plus tard j’ai simplifié en faisant monter les prêtres dans mon camion avec un haut-parleur sur le toit. La procession n’a plus été sonorisée après mon départ.

J’assurais aussi la sonorisation des cérémonies au monument aux Morts, la Marseillaise, Le Chant des Partisans… ; avec mon camion je faisais aussi les annonces de manifestations dans la commune, dans les campings.

La fin d'une époque

En 1978 je suis parti pour Lorient où je ne faisais plus que le commerce des radios et télé. 

Cette entreprise artisanale a accompagné l’arrivée de la télévision dans les foyers, qui a réjoui petits et grands en apportant information et divertissement dans les foyers, mais aussi a contribué à la fin des veillées.

Comme beaucoup d’autres entreprises et comme presque tous les commerces de Kerhostin elle a été fermée définitivement ; de cette époque l’aspect du village a complètement changé, les belles maisons anciennes demeurent, les maisons des peintres aussi, de nombreuses maisons nouvelles se sont ajoutées, ainsi va la vie.

6 Responses

  1. Toujours très intéressant. Je me souviens de monsieur Maire, lorsqu’il venait remplacer les lampes du téléviseur.
    Nous attendions sa venue ma soeur et moi pour qu’il nous permette de voir « La vie des animaux » de Frédéric Rossif. A la lecture de votre article, nombre de souvenirs reviennent à ma mémoire. Nous allions le jeudi après midi chez M et Mme Armand Jiquel à Renaron voir notre feuilleton préféré  » La Flêche Brisée ».
    Encore bravo à l’équipe de KER 1856.
    Jean Pierre Le Duvéhat.

  2. Excellent article, mon grand-père et mon père ont fait appel à MM. Maire dès les années 1950. Et j’ai plaisir à recroiser Bernard Maire à Kerhostin. Dommage pour ce village que tous les commerces aient disparu.
    Philippe Le Corre

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